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"Here Come The Warm Jets" - Brian Eno

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Dans la catégorie des premiers albums, celui-ci possède une place de choix : il est en effet tellement maîtrisé qu'il semble être le dixième album plutôt que le premier. En même temps, rien d'étonnant, vu son auteur : Brian Peter St George Le Baptiste De La Salle Eno. Alias Brian Eno. Ou tout simplement, comme il se faisait créditer dans le début des années 70, Eno. On ne présente plus le bonhomme, auteur/compositeur/producteur/multi-instrumentiste (et chanteur, même si ce n'est pas sa plus grande fierté) génial, sujet britannique à moitié d'origine belge (Eno, son nom de famille, viendrait de Hennot, un ancien nom de famille français), ayant notoirement collaboré avec, pêle mêle et sans aucun ordre, les Talking Heads, Bowie, U2, David Byrne (leader des Talking Heads), Cluster, Harold Budd, Devo, Roxy Music, Phil Manzanera (de Roxy Music), Genesis, Robert Fripp (de King Crimson)... Parmi les artistes ou groupes cités, Roxy Music est important, parce qu'Eno en a tout simplement fait partie, des débuts du groupe (1972) à la première partie de 1973, le temps de deux albums anthologiques : Roxy Music et For Your Pleasure. Ce groupe majeur du mouvement glam et arty était, avec ses claviers bidouillés (signés Eno), ses parties de guitares cinglantes (de Manzanera), son chant incroyable (de Bryan Ferry) et son...hautbois (d'Andy Mackay, aussi au saxophone), et ce sans oublier ses pochettes glamour et sensuelles, un des groupes majeurs de son temps. Eno en a donc fait partie au début, avant de quitter le groupe peu après le deuxième album (et sa pochette représentant Amanda Lear tout de cuir vêtue, promenant une panthère noire, pochette à la fois magistrale et magistralement flinguée, le fond noir empêchant de bien voir Amanda et la panthère). 

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Motif de son départ ? Des envies d'essayer autre chose, ainsi que des divergences personnelles entre lui et Ferry, divergences musicales (après le départ d'Eno, Roxy passera à de la pop glam sophistiquée, de haute volée il faut le dire, mais sans le grain de folie de la période Eno) notamment. Eno, aussi, ne semblait pas avoir envie de faire sa musique pour gagner un max de thune, alors que Ferry, lui, semblait beaucoup s'intéresser àça, afin d'avoir et de conserver un train de vie pépère et aisé. Celui qui, sur les photos présentes dans les intérieurs des pochettes des deux albums de Roxy, ressemblerait plus à un travelo en plumes qu'à un musicien arty amateur d'expérimentations en tous genres avait donc, en 1973, envie d'autre chose. 1973 est l'année de son lancement en solo, via deux projets bien distincts : (No Pussyfooting), album enregistré avec Robert Fripp (guitariste de King Crimson), album constitué de deux longues plages instrumentales expérimentales dont une avait été enregistrée en 1972, chez Eno, par ailleurs. Cet album inclassable sera suivi d'un autre, Evening Star, en 1974, tout aussi réussi. Et l'autre projet, c'est tout simplement le premier album solo d'Eno : Here Come The Warm Jets. Sorti donc en 1973, ce disque a été enregistré avec une pléïade de musiciens de grand talent qui recollaboreront par la suite avec Eno : Robert Fripp bien entendu, Phil Manzanera évidemment (son compère en expérimentations de l'ère Roxy), Paul Rudolph et Chris Spedding aux guitares ; Busta Cherry, Paul Rudolph, Bill MacCormick, John Wetton (de King Crimson) à la basse ; Andy Mackay (de Roxy), Nick Kool, Nick Judd aux claviers (Eno en joue aussi) ; Simon King (de Hawkwind), Paul Thompson (de Roxy) et Marty Simon à la batterie, le tout, selon les morceaux. Eno chante sur tous les morceaux, de sa si remarquable voix atone. Se considérant comme non-musicien (voir l'accroche publicitaire ci-dessous !), il est aussi, en quelque sorte, un non-chanteur, ce qui colle parfaitement.

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Long de 41 minutes, Here Come The Warm Jets, sous sa magnifique et chamarrée pochette, est un régal de glam-rock à tendance arty. Si on met de côté son album suivant, Taking Tiger Mountain (By Strategy) sorti en 1974, lequel est au moins aussi grandiose et a ma préférence personnelle, il sera difficile de comparer ce disque avec les autres d'Eno. Celui-ci virera ensuite à la musique ambient dès la seconde partie de 1974, et si on excepte une incursion live grandiose via son supergroupe 801 (un groupe mené avec Manzanera, et qui ne fera que deux-trois concerts et un Live anthologique) en 1976 et un ultime album 'rock' en 1977 (Before And After Science), sa carrière ne sera plus que consacrée à l'ambient et, ensuite, aux productions d'autres artistes. U2 peuvent le remercier, et ce, dès 1984 (pendant une période de 10 ans, plus des collaborations dans les années 2000), ainsi que les Talking Heads et Devo. Sans oublier Bowie, évidemment, via la 'trilogie berlinoise' et, bien plus tard, 1.Outside. Mais retour à 1973. En cette année du premier album solo d'Eno, Roxy Music sortira son troisième album, Stranded, qu'Eno, vraiment pas chien, estimera publiquement être leur meilleur album. Compte tenu qu'il faisait encore partie du groupe quelques mois plus tôt, ça vaut comme preuve qu'il ne les a pas quittés dans la haine ! J'ignore ce que Bryan Ferry (à qui la chanson Dead Finks Don't Talk n'est pas forcément dédiée, contrairement à ce qui a pu se dire) a pensé de Here Come The Warm Jets, mais cet album étant assez éloigné de ses idéaux musicaux (Ferry, c'est quand même le futur chanteur de la scie dégoulinante de mièvrerie Slave To Love en 1985), je pense qu'il a du trouver l'écoute un peu rude. Moi aussi. Enfin, au début. Parce que cet album, il faut le dire, mérite vraiment plusieurs écoutes attentives, pas des écoutes en fond sonore en collant du papier peint ou en cuisinant une blanquette, non, de vraies écoutes. 

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Même s'il est vrai qu'il emballe direct, cet album : Needles In The Camel's Eye, avec ses guitares en fanfare et son chant héroïque, avec sa rythmique tuante et ses breaks de dingue en son milieu, est typiquement le morceau d'ouverture d'album ultime. On a l'impression de le connaître, ce morceau, dès la première écoute. Ce n'est pas un tube, il n'a sans doute jamais été utilisé au cinéma (ceci dit, c'est quand même peut-être le cas), mais ça sonne pop. De la pop à la Eno, certes, mais de la pop. The Paw Paw Negro Blowtorch, qui suit, est exubérant au possible, difficile de ne pas sourire en écoutant les premières secondes du morceau, qui serait du genre à ensoleiller votre putain de semaine si vous vous décidiez à vous en servir comme musique de réveil le lundi matin. Avouez qu'il y aurait pire comme sonnerie, hein ? Moi, perso, c'est All I Want Is You de Roxy Music (dans le genre tonitruant et qui vous réveille d'un coup, je ne connais pas mieux), mais chacun ses goûts. Baby's On Fire, bien dingue avec son chant aigu et énervant au possible (ce qui est certainement volontaire), est meilleur dans sa version live présente sur le Live de 801, mais cette version studio est quand même bien barrée et excellente. La guitare semble en feu, tout du long. Cindy Tells Me est très pop et assez calme, tandis que Driving Me Backwards, qui semble parfois chantéà l'envers (connaissant Eno, ça ne serait pas étonnant, et puis, vu le titre du morceau, ça serait logique), achève à la fois la face A et l'auditeur. On est oppressé, anéanti, subjugué, enchanté, interloqué, tout ça en même temps, durant 5 minutes ahurissantes. Ce piano...

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Et justement, en parlant de piano, Eno en a couché des tonnes et des tonnes sur le morceau qui ouvre la face B, On Some Faraway Beach, il y en aurait une centaine dans le mix. Entre le piano et les claviers synthétiques, l'ensemble de ces strates apporte une atmosphère impalpable et d'une grande beauté. Curieux, mais vrai : certains passages de la mélodie me font penser à la chanson Les Yeux D'Emilie de Joe Dassin, vous m'en voyez navré et aïe ! pas sur la tête, merci. Ce morceau calme et principalement instrumental (Eno chante vers la fin) est suivi, sans pause, par Blank Frank, morceau féroce qui pourrait être qualifié de proto-punk arty à la Eno. Le genre de morceau qui aurait eu sa place sur le Fear que John Cale a sorti en 1974 (et sur lequel Eno et Manzanera ont joué). Un très bon morceau bien rock, mais c'est celui que j'aime le moins, car le plus évident du lot, le plus direct aux couilles. Le moins Eno. Mais quelles guitares ! Puis vient Dead Finks Don't Talk, morceau étrange qu'au départ, il y à longtemps, je n'aimais pas trop (l'ancienne chronique, sur ce blog, datait de 2010, celle-ci la remplace définitivement, et à cette époque, je n'aimais déjà pas trop ce morceau, sans toutefois l'avoir dézingué dans l'ancienne chronique ; en fait, je n'en parlais pas vraiment, mais ette ancienne chronique était ridiculement courte et très mal foutue). Comme je l'ai dit plus haut, on a considéré que ce morceau était une charge contre Bryan Ferry. Eno lui-même a reconnu qu'il ne pensait pas du tout à Ferry quand il a écrit le morceau (co-crédité avec le batteur de Roxy Music, Paul Thompson), mais qu'en relisant les paroles, il s'est rendu compte qu'en fait, le morceau pouvait très bien parler de lui. Et ce, d'une manière totalement inconsciente et involontaire ! Un excellent morceau, bien que vraiment étrange, plus que les autres de l'album. Les oh no, oh no, oh no que l'on entend de temps en temps sont des plus horripilants, mais participent à l'atmosphère cheloue du morceau, qui est suivi par le très calme et apaisé (apaisant ?) Some Of Them Are Old. Beau morceau, mais c'est le dernier morceau, Here Come The Warm Jets, le morceau-titre donc, qui remporte la Palme : nappes de synthés grandioses, ambiance à la fois lyrique et rock (lyrock ?), chant distant et tardif, ce morceau a tout d'un hyme à la gloire d'Eno. Un Eno qui, avec ce premier opus solo, s'impose d'emblée parmi les forces créatrices les plus imposantes, originales et remarquables de son époque. Roxy a pas mal perdu (malgré que, dans l'ensemble, à deux exceptions près, les albums faits par le groupe à partir de Stranded et ce jusqu'à la fin soient remarquables : Country Life est, par exemple, immense) en laissant Eno s'en aller, mais la musique a considérablement gagné le jour où il a décidé, enfant ou adolescent, d'en faire sa passion. Dire que ce premier opus n'est pas son meilleur...

FACE A

Needles In The Camel's Eye

The Paw Paw Negro Blowtorch

Baby's On Fire

Cindy Tells Me

Driving Me Backwards

FACE B

One Some Faraway Beach

Blank Frank

Dead Finks Don't Talk

Some Of Them Are Old

Here Come The Warm Jets


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