Vous n'avez probablement jamais entendu parler de cet album, à moins : a) d'être un grand fan de Dwight Twilley, ou b) d'avoir acheté, ou tout du moins lu, le livre de Philippe Manoeuvre sorti récemment, intitulé La Discothèque Secrète de Philippe Manoeuvre - Collector (111 trésors cachés du rock), dans lequel Phil Man nous parle de 111 disques peu connus, parfois totalement oubliés, des albums n'ayant pas forcément eu du bol dans la vie, ou bien sortis trop tard, ou sans grands renforts de pub, ou par des artistes secondaires voire tertiaires, bref, des albums méconnus, qui risqueraient fort bien de le rester malgré leur niveau, s'il n'y avait ce livre pour leur porter, enfin, de la lumière. Cet album de Dwight Twilley, sorti en 1999, et dont il n'existe qu'un seul format (CD), se trouve donc dans ce livre. C'est ainsi que je l'ai découvert, car si je connaissais déjà le bonhomme (ayant deux de ses albums ; enfin, deux autres de ses albums !), je n'avais tout simplement jamais entendu parler de ce Tulsa. Dwight Twilley, qui n'a jamais été un super vendeur de disques au passage, est un des meilleurs artistes de power-pop qui soient, et de rock typéheartland. Du rock typiquement américain. En 1976 et 1977, Dwight Twilley, avec son Dwight Twilley Band d'alors (constitué de lui au chant et à la guitare et basse, et de Phil Seymour, mort depuis, à la batterie et au chant, et au sein duquel un certain Tom Petty a rapidement joué, je dis 'rapidement' car 1976 est l'année de sortie du premier album de ses Heartbreakers) a sorti deux albums majeurs du genre : Sincerely et surtout Twilley Don't Mind. Deux tueries absolues, des classiques qui, hélas, ne se sont pas vendus des masses, mais sont cultes et réputés dans le milieu du rock.
La suite de la carrière de Dwight, que l'on peut rapprocher, en moins connu, de Tom Petty (Twilley Don't Mind est égal, si ce n'est supérieur, au magistral Damn The Torpedoes de Petty et ses Casse-Coeurs), ne sera vraiment pas folichonne. Le bonhomme a enchaîné les albums, mais sans aucun succès. Cet album, sorti en 1999, Tulsa, n'a connu aucun succès à sa sortie, peu de monde le connaît mis à part les fans et quelques personnes l'ayant achetéà l'époque, sans oublier les professionnels qui connaissent l'oeuvre de Twilley, ou tout du moins ne l'ont pas négligée. Le disque est sorti sur un petit label (Copper Records) baséà Houston, Texas. On le trouve, comme il est dit dans le livre que j'ai cité plus haut et sans lequel cet article n'existerait pas (donc, merci de la découverte), très facilement sur le Net, et de plus, à des prix défiant toute concurrence, même si la cote pourrait, qui sait (et je l'espère, car Tulsa le mérite), monter par la suite. Je l'ai eu pour 10 €, neuf, emballé. Le disque, visuellement, ne paie pas de mine. Regardez cette pochette, avec ce lettrage type manuscrit, cette photo assez contrastée, sur fond flou, d'un Twilley comme désabusé par le manque de reconnaissance. Ce recto de boîtier (ci-dessus) des plus banals. Le livret est dépliant en trois volets, qualité de papier assez épais, lettrage lambda (on a la précision de qui joue sur quoi - pas de pointures, au passage, sur ce disque, aucun nom connu des masses -, mais pas de paroles, pas de texte mis à part ça), ces photos incrustées sans grand talent, tout ça sent bon le boulot cheap, peu de moyens.
Bref, Tulsa (qui s'appelle ainsi parce que l'album a été enregistréà Tulsa, mais la plus longue chanson de l'album, qui dure 8 minutes, s'appelle aussi Tulsa) n'a pas grand chose pour lui. On voit cette pochette, on a l'impression d'un disque de troisième zone, fait par un sous-sous-Springsteen, d'un disque mineur d'un artiste de troisième zone qui plus est, alors que ce n'est absolument, mais alors absolument pas le cas. Sans aller jusqu'à gueuler au chef d'oeuvre, Tulsa est un authentique petit joyau de rock (à tendance power-pop) super bien fagotté, presque une heure de chansons qui, si aucune n'est et ne sera jamais un tube, sont toutes excellentes. Ca commence en fanfare avec Runnin', qui fera dire à ceux qui connaissent Twilley Don't Mind que le mec n'a pas perdu sa voix malgré les 22 ans (et sans doute quelques abus ou aléas de la vie) qui séparent les deux mémorables albums. Une voix jeune et éraillée, proche de celle d'Alex Chilton (Big Star). Les chansons se suivent, It's Hard To Be A Rebel (No World), The Luck, Tulsa, Miranda, Beauty Dirt, toutes sont excellentes, c'est un fait, ce disque qui ne paie pas de mine au premier abord est très certainement largement supérieur à pas mal d'autres albums de sa génération (1999 n'est pas la meilleure année de tous les temps pour la musique rock, cependant ; mais cet album est probablement un des meilleurs de son année de sortie), et un album à découvrir absolument si vous aimez la power-pop et, d'une manière générale, le bon vieux rock des familles, sans prétention autre que de vous aérer la tête avec de belles mélodies et de bons riffs durant une heure ou presque. Immense coup de coeur perso, et un grand merci à Manoeuvre pour avoir parlé, dans son livre, de cet album (et d'autres albums tout aussi bons, d'ailleurs, je vais en aborder quelques uns ici au fil des semaines et de mes (re)découvertes) !
Runnin'
A Little Less Love
It's Hard To Be A Rebel (No World)
The Luck
Baby's Got The Blues Again
Way Of The World
Tulsa
Miranda
Miracle
Beauty Dirt
Goodbye
Baby Girl