Eric Burdon est un des plus grands chanteurs de rock britanniques, et même sans distinction de nationalité. Le mec a démarré sa carrière avec un groupe mythique, les Animals, dont tout le monde se souvient de leur tube House Of The Rising Sun, qu'Hugues Aufray adaptera, pour notre Johnny national, en Le Pénitencier peu de temps après sa sortie. Les mêmes Animals sortiront d'autres hits, dont une reprise de Don't Let Me Be Misunderstood, chanson à la base interprétée par Nina Simone et que le groupe de disco-flamenco Santa Esmeralda revampera en 1977 (immense succès). Les Animals, par la suite Eric Burdon & The Animals, groupe aux sonorités proches de celles des Doors en raison de leur absence de basse, remplacée par les claviers, les Animals, donc, se sépareront en 1969. La même année, Burdon s'envole pour les USA, où il s'installe, en Californie. Il y fait la connaissance de War, un groupe de funk-rock n'ayant pas encore sorti d'album. Les deux forces s'associent, Burdon ayant toujours adoré la musique noire (soul, rhythm'n'blues, jazz, blues évidemment). Le premier album du groupe, Eric Burdon Declares"War", sort en 1970 et contient déjà du très lourd, dont une reprise de presque 14 minutes de Tobacco Road. Un excellent premier album qui sera suivi, la même année, en décembre, d'un deuxième opus, lequel est, lui, double (toujours en CD, car il dure 90 minutes). C'est cet album, à la pochette marquante (et encore, je n'ai pas encore parlé du verso, ni surtout de l'intérieur de pochette, voir les illustrations plus bas) représentant un homme en contre-plongée, pris face au soleil qui se cache derrière lui (ce qui le rend noir, même si ce n'est pas Burdon, mais probablement un des membres de War, autrement dit, un Noir, même si tous les membres du groupe ne l'étaient pas) que je vais parler aujourd'hui.
Verso de pochette
Il s'appelle The Black-Man's Burdon, et son titre est un jeu de mots sur l'expression black man's burden ('le fardeau de l'homme noir') qui renvoie à l'esclavage, jeu de mots facile vu le patronyme du leader du groupe (qui, au passage, quittera War après cet album pour entamer une carrière solo, tandis que War continuera sans lui, et livrera quelques albums de haut niveau comme The World Is A Ghetto). A noter que la tranche de l'édition vinyle française d'époque (pressage Liberty) a indiqué'burden' au lieu de 'Burdon', ce qui est con. L'album est un savant mélange entre rock (parfois psychédélique), blues, ambiances latino, soul et funk. 90 minutes durant, le temps de 21 titres (ou de seulement 15 titres, car les 7 premiers titres de la face A forment une suite de 13,35 minutes basée sur le Paint It, Black des Rolling Stones), Eric Burdon & War nous régalent, même si certains esprits chagrins estimeront l'album trop long par moments, avec une musique assez engagée en faveur de la cause afro-américaine. Que le chanteur de ce groupe engagé soit un blanc-bec Britannique ne change rien ; sa voix, elle, et son âme aussi, sont totalement afro-américaines. Le tout sous une pochette remarquable et remarquée, assez osée : au verso, on voit Burdon, torse-nu, agrippant les chevilles d'une jeune femme noire en robe, assise juste au-dessus de lui, jambes écartées, la tête de Burdon idéalement placée (si la femme était cul-nu, on ne verrait rien). Et à l'intérieur de la gatefold, une photo en format portrait représente deux jeunes femmes blanches, totalement nues, allongées dans l'herbe, et les membres du groupe (Burdon excepté), torses-nus, assis ou debout, à les regarder.
Intérieur de pochette
On est en 1970, les mecs. On a d'un côté des Black avec deux Whiteys nues, et de l'autre, un Blanc dans une position plutôt équivoque avec une Blackette. Ca, plus le titre provocateur de l'album, plus un premier album déjà parfois engagé, plus le nom du groupe ('Guerre'), tout ceci sent bon le vent de la contestation et l'engagement socio-politique, non ? A sa sortie, l'album était commercialisé avec, glissé dans la pochette, un bon de réduction de 1 dollar pour un concert de War, peut importe lequel. Combien de personnes ont utilisé ce 'War bond'à sa sortie, combien l'ont laissé dans la pochette comme tout artefact qui se respecte ? Je ne l'ai évidemment pas dans mon exemplaire, qui n'est de toute façon pas un exemplaire ricain, mais français, et si War est passé en France pour des concerts (je ne sais pas s'ils sont venus à l'époque pour jouer en France), le prix était en franc, pas en dollars, donc je ne pense pas que ce bon de réduction aurait été admissible ! Musicalement, The Black-Man's Burdon est excellent, la suite Paint It, Black de la face A est excellente, Sun/Moon, They Can't Take Away Our Music et les deux parties de la reprise du Nights In White Satin des Moody Blues aussi, et s'il est vrai que l'album est un tantinet long par moments, ce n'est pas non plus un disque inégal pour autant. Certes, aujourd'hui, je pense que son contenant (son artwork osé) est plus connu que le contenu, mais cet ultime album de War avec Burdon (un album du nom de Love Is All Around, sorti en 1976, proposera d'autres morceaux de War avec Burdon, enregistrés peu après, une sorte de compilation d'inédits) est vraiment excellent, je l'aime énormément malgré un petit côté, parfois, un peu daté (mais rien de grave). Ecoutez donc Spirit, qui achève en beauté la première face, pour avoir la preuve que Burdon est un grand chanteur de soul. Malgré son teint d'aspirine. L'égal de Van Morrison, pas moins !
FACE A
Black On Black In Black
Paint It Black 1
Laurel & Hardy
Pintelo Negro 2
P.C. 3
Blackbird
Paint It Black 3
Spirit
FACE B
Beautiful New Born Child
Nights In White Satin 1
The Bird & The Squirrel
Nuts, Seeds & Life
Out Of Nowhere
Nights In White Satin 2
FACE C
Sun/Moon
Pretty Colors
Gun
Jimbo
FACE D
Bare Back Ride
Home Cookin'
They Can't Take Away Our Music