En résumé, concernant cet album, la seule chose que l'on puisse dire, c'est que Leonard Cohen est un grand artiste, mais l'autre, Phil Spector, il est vraiment trop con. Cet album est un désastre. Un DESASTRE. Mais je ne vous apprend probablement rien, car ça fait depuis l'époque de sa sortie (et c'était en 1977) que Death Of A Ladies' Man, cinquième album de Leonard Cohen, est considéré comme un des pires ratages jamais faits. C'est incontestablement le seul (je dis bien : le seul) album du Canadien qu'il vaut mieux éviter, à moins d'être : a) un fan absolu du bonhomme ; b) doté d'un sens inné du mauvais choix en terme d'achats de disques ; c) totalement vierge de toute information au sujet de cet album (auquel cas, ça rejoint, quelque part, le b), je trouve). Leonard Cohen lui-même ne faisait pas grand cas de cet album, unique collaboration de l'artiste avec le producteur (et ici compositeur de l'ensemble des musiques de l'album) Phil Spector, collaboration que Cohen dira par la suite ne pas avoir apprécié. Apparemment, les deux hommes passaient le plus clair de leur temps à picoler, ce qui se ressent fortement à l'écoute des 42 minutes (pour 8 titres) de cet album pour lequel les voix n'ont même pas été refaites, malgré l'avis d'un Cohen impuissant (une fois les voix enregistrées, Spector prendra les bandes, s'enfermera en studio, seul, et interdira l'accès du studio à Cohen, mettant un homme armé devant la porte de la salle de mixage, carrément). L'album a été enregistré avec des musiciens de grand talent : Sneaky Pete Kleinow (guitare, pedal steel), Jesse Ed Davis (guitare), Jim Keltner (batterie), Hal Blaine (idem), les choristes Clydie King, Venetta Fields...
Cette Mort d'un Homme A Femmes (par la suite, il me semble qu'une biographie, voire autobiographie, de Cohen portera ce nom) fait suite à quatre albums mémorables : Songs Of Leonard Cohen (avec Suzanne, Sisters Of Mercy qui donnera son nom au fameux groupe de gothic-rock), Songs From A Room (avec Bird On The Wire, The Partisanà moitié chanté en français), Songs Of Love And Hate (sans doute son meilleur, avec Avalanche, Joan Of Arc, Dress Rehearsal Rag) et New Skin For The Old Ceremony (avec Chelsea Hotel #2). Devant une telle série d'albums, on ne peut que s'incliner, même si le côté très sombre/dépressif/lent des chansons de Leonard Cohen (entre ses textes introspectifs et sombres, ses arrangements folk et sa voix souvent morne, le bonhomme n'était vraiment pas du genre à faire remuer le popotin de ses auditeurs) peut soit agacer, soit franchement rebuter. Moi, j'ose le dire, je ne suis pas fan, dans le genre folk, je préfère amplement Bob Dylan, et dans le genre folk dépressif, Nick Drake, mais Leonard Cohen, c'est l'aristocratie de la grande chanson folk américaine (même s'il était canadien), et c'est d'autant plus flagrant, à l'écoute de cet album de 1977, de constater à quel point le talent (presque le génie, si, si) de Cohen se fracasse, comme une vieille merde contre un mur de crépi (en Valois...non, ne riez pas), face au fameux wall of sound spectorien. On rajoute à cela le fait que Cohen ne semblait pas forcément dans la meilleure des formes : le mec qui a écrit Last Year's Man, Bird On The Wire et Avalanche, est-ce vraiment le même qui, ici, a écrit Don't Go Home With Your Hard-On, que l'on traduira par 'Ne rentre pas chez toi avec la gaule' ? Sincèrement, les mecs, j'ai honte de dire que la réponse est oui. On notera que sur cette inénarrable chanson, on entend, dans les choeurs, pas moins que Bob Dylan et le poète beat Allen Ginsberg. J'ai mal pour ce mec : passer de Howlà des choeurs sur pareille merde (en revanche, Dylan, en 1977, commençait déjàà habituer ses fans à l'entendre faire un peu n'importe quoi de temps en temps, même si la période born again allait sérieusement les secouer, de ce point de vue-là, et si vous ne voyez pas de quoi je veux parler, sachez que vous ne loupez rien)...
Avec Spector
Aucune chanson, sauf à la rigueur le long (9,20 minutes !) morceau-titre, n'est à retenir ici. Ce morceau-titre est trop long, mais a quelque chose de vraiment hypnotique, et puis il y à les textes de Leonard Cohen, quand même. Mais les mélodies et arrangements de Phil Spector, qui n'était à l'époque plus que l'ombre de l'ombre de lui-même (trois ans plus tard, il produira un album des Ramones, auxquels il tentera, et l'expérience sera à moitié foirée, d'imposer son fameux spectorian sound, à grands coup de menaces révolvérisées et d'engueulades hystériques avec les punks - drame de la vie en rock absolu), sont tellement lourds, pompeux, et à côté de la plaque cohenienne, que l'ensemble sonne comme un album de reprises de chansons réalistes réarrangées par Patrick Sébastien selon son style habituel. On ne peut même plus parler de décalage, là. True Love Leaves No Trace, Fingerprints, Iodine, Memories, autant de chansons qui auraient été vraiment bonnes (ou, dans le pire des cas, car cet album n'aurait jamais pu être le sommet de Cohen s'il avait été produit par un autre, correctes, rien que correctes) si elles avaient été produites par Cohen lui-même, ou par un producteur avec une main bien plus légère (et des méthodes bien plus conventionnelles) que Spector. Alors, oui, Death Of A Ladie's Man est un désastre absolu, en tout cas pour moi, et je dois dire que je suis sidéré de voir que l'album a été, depuis quelques années, quelque peu réhabilité. Pour moi, ce disque reste un cauchemar musical en 8 morceaux (enfin, 7, car le morceau-titre, malgré sa longueur, ça peut encore aller) !
FACE A
True Love Leaves No Trace
Iodine
Paper Thin Hotel
Memories
FACE B
I Left A Woman Waiting
Don't Go Home With Your Hard-On
Fingerprints
Death Of A Ladies' Man