Mais pour qui donc se prennent Deep Purple ? semblait être le mantra de la presse, spécialisée ou non, face aux déclarations de certains des membres du groupe dans la presse, et à leurs prestations ébouriffantes, sans oublier leur très probable suffisance et prétention (après tout, ils sont Anglais, non ?). La réponse est simple : le groupe se prenait pour ce qu'il était, un groupe de hard-rock au succès galopant. Après des débuts vraiment difficiles (j'ai eu récemment l'occasion de parler ici de deux de leurs premiers albums, de la période MkI, des albums corrects, mais bien oubliés) au milieu des années 60, le groupe trouve une seconde jeunesse en 1969 engageant le bassiste Roger Glover et le chanteur Ian Gillan. Bon, OK, ils ont déconné grave en enregistrant (et surtout, en sortant), en tant que premier album de cette nouvelle formation (la fameuse, mythique, MkII), un Concerto For Group And Orchestra, live enregistré au Royal Albert Hall avec un orchestre symphonique, et qui réussira presque à couler le peu de crédit que le groupe avait encore. Mais en 1970, In Rock a changé la donne. Un des meilleurs albums de hard-rock. Fireball en 1971 a un peu déçu (beaucoup, même, en ce qui me concerne), mais Machine Head, plus tard dans la même année, et le double live Made In Japan en 1972, sont des classiques absolus. Ca y est, le groupe est au sommet de la montagne. Hélas pour eux, une sévère avalanche va les propulser violemment en bas. Cette avalanche va causer la séparation du groupe, Gillan et Glover se casseront et seront remplacés, fin 1973, par David Coverdale et Glenn Hughes. La formation MkIII sera ainsi née, et sortira l'imparable Burn en 1974.
Mais retour à 1972. Le groupe file en studio en juillet 1972 à Rome, Italie (et ensuite en octobre de la même année à Francfort, Allemagne), enregistrant avec le studio mobile des Rolling Stones. Le but, pour le groupe, est probablement de se changer les idées, voire même de récidiver le coup d'éclat de Machine Head, album qui aurait du être enregistré au Casino de Montreux (Suisse) mais fut finalement enregistré au Grand Hôtel de la même ville au bord du lac de Genève (ou lac Léman, comme appelé en Frankreich) suite à l'incendie du Casino un soir de concert de Zappa. Le groupe a enregistré l'album à la dure, dans les chambres et couloirs, composant un Smoke On The Water anthologique (qui parle de l'incendie) pour la peine, et a réussi, malgré les conditions difficiles (un hôtel de luxe n'est pas destinéà enregistrer du hard-rock), à accoucher d'un monstre sacré. Sans doute le groupe se disait-il qu'enregistrer ailleurs que dans un banal studio londonien (il y en à pourtant des grands : Abbey Road, Olympic, De Lane Lea...) pourrait aider. Changement d'air en perspective, bouffée d'oxygène, euphorie d'enregistrer dans un lieu nouveau...et évasion fiscale aussi, probablement, comme les Stones ou Led Zeppelin. Bref, tout ça pour dire que Who Do We Think We Are, l'album que le groupe sortira en janvier 1973, ce disque-ci, a été enregistré en Italie et en Allemagne (de l'Ouest). L'album marchera bien à sa sortie, Deep Purple était totalement auréolé du succès de Made In Japan et aurait pu sortir un disque de reprises de chants de Noël interprétés en bulgare et à la manière d'Alvin et les Chipmunks (nia nia niaaaaaaaa) que ça aurait cartonné quand même. Mais la presse s'abattra sur le groupe comme la vérole sur le bas-clergé. Elle sait si bien le faire.
Faut dire qu'il y avait de quoi : Who Do We Think We Are (le titre est une allusion à ce que la presse disait du groupe, et la pochette intérieure montre moult coupures de presse sur ce sujet, voir photo ci-dessus) a été enregistré par un groupe au bord de l'implosion, les membres étaient dans un état de totale fatigue suite à une tournée triomphale et assez longue. Il faut voir les photos (de mauvaise quaité, d'ailleurs) situées dans le livret de la réédition CD, Glover et Gillan, quasi nus, en tongs, regards aussi vides que des truites avant la cuisson, en studio... Ils étaient aussi en cale sèche pour ce qui est de la composition. Si on met de côtéWoman From Tokyo, qui ouvre efficacement l'album, aucun des 7 titres ne rentrera dans la légende purpleienne. Le morceau a apparemment été un enfer à enregistrer, les relations entre Gillan et Ritchie Blackmore (guitare) étant devenues des plus déplorables (le fameux incident du siège lancéà la gueule de Gillan par Blackmore date de cette époque). C'est probablement le meilleur morceau d'un album globalement raté, totalement médiocre, même si j'avoue que le dernier titre, Our Lady, m'a toujours plu. Mais le reste... Mary Long est une charge acerbe sur deux personnalités britanniques (Mary Whitehouse et Lord Longford), des réactionnaires conservateurs, bien-pensants, anti-homosexualité, très collet-monté, très cons. When did you lose your virginity, Mary Long ? When will you lose your stupidity, Mary Long ? sont les meilleures paroles de la chanson, interprétée de manière assez planplan. Super Trouper (non, c'est pas du ABBA ! Et je préfère la chanson homonyme des Suédois, au passage, et de beaucoup !), Smooth Dancer et Rat Bat Blue (ce titre...) sont particulièrement déplorables, et Place In Line est un blues-rock pas trop mal, mais trop long (6,30 minutes ; c'est le morceau le plus long d'un album assez court, 34 minutes en tout). Au final, cet album ne vaut que pour son premier et son dernier titre, qui totalisent environ 11 minutes sur les 34. Le bilan de cet ultime (avant le retour en 1984 avec Perfect Strangers) album de la MkII est donc franchement nul. A réserver aux fans, et uniquement à eux. De toute façon, il me semble bien oublié, de nos jours, cet album...quel album, au fait ? Je parlais de quoi, là ? M'en souviens plus...
FACE A
Woman From Tokyo
Mary Long
Super Trouper
Smooth Dancer
FACE B
Rat Bat Blues
Place In Line
Our Lady