Je ne vais pas y aller par quatre chemins : ceci est le sommet de U2. Cet album, à sa sortie, a mis à peu près tout le monde sur le cul, y compris les détracteurs de la bande à Bono, qui étaient déjà assez nombreux, notamment dans la presse rock. Mais The Joshua Tree, sous sa sublime pochette noir et or et cette remarquable série de photos d'Anton Corbijn, c'est le disque de la maturité. Ca faisait trois ans, depuis The Unforgettable Fire en 1984 (oui, je sais, il y à eu un EP à moitié live en 1985, Wide Awake In America, mais il ne compte qu'à moitié, malgré sa réussite), que les Irlandomuches n'avaient pas sorti d'album. The Unforgettable Fire, malgré sa réussite (A Sort Of Homecoming, Bad, Wire, le morceau-titre, Pride (In The Name Of Love) tout de même) et l'éclatante production, très atmosphérique, de Brian Eno et Daniel Lanois, avait un peu décontenancé et frustré les rock-critics n'étant déjà pas passé dans le camp des anti-U2, et s'il marchera bien, il semblera quelque peu marquer une stase. Selon ses propres dires, Bono aurait passé les deux années qui suivront la tournée à réapprendre à chanter, à poser ses intonations, sa respiration autrement. Tout en composant. Les deux producteurs ayant fait du sacrément bon turf sur le précédent album, ils sont tout naturellement réengagés pour cet Arbre de Josué qui sortira donc en 1987, et est dédié (ainsi qu'une chanson, One Tree Hill) à Greg Carroll, un roadie du groupe, décédé dans un accident peu avant.
Long d'une belle cinquantaine de minutes, The Joshua Tree va traumatiser les charts par le biais d'une triade de hits placés, d'ailleurs, en ouverture de bal : Where The Streets Have No Name (qui permet d'entrée de jeu de constater qu'effectivement, Bono a pris beaucoup de maturité dans son chant ; son arrivée dans le morceau, après une longue et belle introduction éthérée, est inoubliable, épique), I Still Haven't Found What I'm Looking For (aux accents un peu countrysants, comme Trip Through Your Wires plus loin sur l'album) et With Or Without You. Très différentes (mais ayant toutes droit à une introduction quelque peu atmosphérique), ces trois chansons passent encore plus souvent qu'à leur tour à la radio 31 ans après leur sortie, et restent, il faut le dire, sublimes. C'est quelque part un peu dommage de les avoir enquillées en intro d'album plutôt que de les avoir disséminées tout du long, mais bien que remarquables, ce ne sont vraiment pas les seules chansons de cet acabit sur l'album. Le très rock Bullet The Blue Sky (guitare à la fois aérienne et violente), les délicat One Tree Hill (avec sa prière pour Greg Carroll en final)et In God's Country, le très étrange, atmosphérique, proto-Achtung BabyExit et le génial et quasi lyrique Red Hill Mining Town sont d'autres trésors qu'on ne se lasse pas de déterrer à chaque écoute.
Se finissant sur une chanson engagée en faveur des "folles de la Plaza de Mayo", ces mères des desaparecidos de la dictature chilienne (Mothers Of The Disappeared), The Joshua Tree est sans défaut. A aucun niveau. 11 chansons, 11 merveilles, que cela soit des tubes ou de petites chansons connues uniquement des détenteurs de l'album. Ce disque, que je suis bien content d'avoir en vinyle d'époque (et pas dans sa réédition sortie l'année dernière pour ses 30 ans, qui est cependant de qualité), n'est pas celui avec lequel j'ai découvert U2 (mis à part un best-of, ce fut avec War), et ce n'est même pas mon préféré d'eux (c'est soit October, soit Zooropa, hé oui, deux albums souvent mésestimés, dénigrés par les fans, mais je le rappelle, je n'en suis pas un, de fan) bien que je l'adore et l'écoute relativement souvent. C'est en tout cas un disque qui compte parmi les sommets de 1987 (avec Tango In The Night de Fleetwood Mac, Electric de The Cult et Cloud Nine de George Harrison pour ne citer qu'eux) et un des sommets de la décennie. C'est un album adulte, intense mais totalement pop-rock aussi, qui fonctionne aussi bien en voiture pour les longs trajets que sur votre chaîne hi-fi ou dans votre lecteur MP3. Les trois hits du début d'album figurent parmi les plus grands de U2, et les 8 chansons suivantes assurent totalement, mention spéciale àRed Hill Mining Town et à l'étrange et efficace Exit. En plus, ce qui ne gâche vraiment rien, le contenant (la pochette) est sublime, cet album est aussi beau à l'intérieur qu'à l'extérieur. Plus que vivement conseillé si, par le plus grand des hasards, vous ne connaîtriez pas encore cet album : tout simplement essentiel, vital même. S'il ne vous en fallait qu'un de U2...
FACE A
Where The Streets Have No Name
I Still Haven't Found What I'm Looking For
With Or Without You
Bullet The Blue Sky
Running To Stand Still
FACE B
Red Hill Mining Town
In God's Country
Trip Through Your Wires
One Tree Hill
Exit
Mothers Of The Disappeared