Il va te falloir écrire la moitié de l'album, Danny, parce que j'ai pas que ça à foutre. Voilà en gros ce que Danny Kirwan a entendu sortir de la bouche de Peter Green, peu de temps après son arrivée dans le groupe, en 1969, alors qu'ils préparaient le troisième album. Quel album ? Then Play On. Et surtout, quel groupe ? Le groupe, c'est Fleetwood Mac, évidemment, groupe de blues-rock anglais (désormais, depuis le mitan des années 70, groupe de pop-rock FM anglo-américain) dont le premier album, Peter Green's Fleetwood Mac, avait fait sensation en 1967 (et le deuxième, Mr Wonderful, en 1968, déjà avec une pochette iconique représentant leur batteur Mick Fleetwood, a confirmé les espoirs, tout en étant un peu moins grandiose). Le groupe est un agglomérat de nouveaux bluesmen de grand talent : le bassiste John McVie (le Mac du nom du groupe vient de son nom), ancien de John Mayall ; le batteur Mick Fleetwood (pas besoin de dire que l'autre partie du nom du groupe vient de lui) ; le guitariste et chanteur Peter Green, ancien de John Mayall aussi ; et le guitariste et chanteur (et claviériste) Jeremy Spencer. Une certaine Christine Perfect, bientôt Christine McVie suite à son mariage avec le bassiste (divorcés depuis des dizaines d'années, elle a conservé son nom marital pour sa carrière, au sein du groupe ou en solo), fait son apparition, en invitée, aux claviers, sur Mr Wonderful, et sera membre officiel dès Kiln House en 1970. Et Danny Kirwan, un blondinet effacé, fait son apparition (guitare et chant) en 1969 via Then Play On. Bien qu'apparaissant sur la photo ornant l'intérieur de la pochette ouvrante (dernière photo de l'article), Jeremy Spencer ne joue pour ainsi dire pas sur l'album. Il partira après Kiln House, le disque suivant.
Peter Green, lui, qui commençait à péter doucettement les plombs (la drogue dure aura pendant des années raison de sa santé mentale), partira rejoindre une secte d'adorateurs du soleil peu après la sortie de ce Then Play On au titre en référence à La Nuit Des Rois de Shakespeare, et à la sublime pochette représentant un cavalier nu sur un blanc destrier, dans un décor champêtre et fantaisiste. Pour ne rien cacher des aléas ayant poursuivi le groupe, Kirwan partira en 1972, pétant lui aussi lentement les plombs, il serait devenu, après une courte et infructueuse carrière, SDF. Et Spencer, toujours en vie, toujours actif, est depuis le début des années 70 membre d'une secte chrétienne extrêmement douteuse, Les Enfants De Dieu. Mais retour à 1969. Kirwan arrive dans le groupe, et on lui dit qu'il lui faudra composer pas mal de morceaux pour l'album. La moitié environ de l'album est en effet de sa main, l'autre est de Green. Les deux moitiés sont supérieures à la somme des deux parties, faisant de ce Then Play On un pur sommet, un des meilleurs albums du groupe et de 1969 (malgré son côté deux albums en un, et Kirwan et Green n'ont pas vraiment le même style), et le meilleur album de leur première ére (blues-rock). Il existe deux versions de l'album : l'originale britannique dure 53 minutes, pour 14 titres (la plus récente édition CD la propose, la réédition vinyle aussi) et l'édition américaine de la même époque, 54 minutes et 13 titres, deux titres de la version britannique manquent, mais un titre aussi long qu'eux deux a été rajouté, sorti en single en Angleterre : Oh Well, 9 minutes de blues fortement teinté de flamenco. L'ancienne édition CD proposait cette version américaine, qui est celle avec laquelle j'ai découvert Then Play On.
Intérieur de pochette : Kirwan, Fleetwood, Green, McVie, Spencer
Aussi, quand j'ai découvert l'album dans sa version originale britannique bien des années plus tard (non seulement Oh Well manque et est remplacé par One Sunny Day et Without You, mais l'ordre de la majeure partie des morceaux est différent, voir les deux tracklistings en bas d'article), j'ai eu l'impression d'écouter un nouvel album, ça m'a fait bizarre. L'impression de redécouvrir quelque chose qu'on pensait avoir définitivement gravé sur son disque dur personnel. Ce disque est un pur chef d'oeuvre. Les morceaux de Kirwan (Coming Your Way, le délicat Although The Sun Is Shining, When You Say, l'instrumental My Dream) sont aériens, ils annoncent le futur Fleetwood Mac, celui de 1971/1972, où Kirwan a cotoyé (avant de partir) le nouveau-venu Bob Welch (1971/1975). Celui du chef d'oeuvre Bare Trees. Les morceaux de Green sont du pur blues-rock (Show-Biz Blues, les instrumentaux jammesques Searching For Madge et Fighting For Madge, Underway - autre instrumental) ou du rock déchirant, tels Closing My Eyes, Before The Beginning ou la seconde partie, flamenco et instrumentale, de Oh Well. Sans oublier ce grand moment (qui, en live, durera 20 minutes) truculent, Rattlesnake Shake, qui parle de masturbation et cite, à un moment donné, un certain Mick (Fleetwood) ! Morceau qui fera scandale, mais le groupe n'en était pas à une polémique près (prestations scéniques parfois obscènes avec une bite gonflable dressée sur la grosse caisse de la batterie, gigotant à chaque ruade)... C'est un fait, le Mac de 1969 n'est pas du tout le Mac de la période Rumours/Tusk/Mirage/Tango In The Night (1977/1987) ! J'aime toutes les époques du groupe, personnellement, mais ce Then Play On long mais grandiose entre dans mon Top 5, et pas en dernier !
Version originale britannique :
FACE A
Coming Your Way
Closing My Eyes
Fighting For Madge
When You Say
Show-Biz Blues
Underway
One Sunny Day
FACE B
Although The Sun Is Shining
Rattlesnake Shake
Without You
Searching For Madge
My Dream
Like Crying
Before The Beginning
Version Américaine :
FACE A
Coming Your Way
Closing My Eyes
Show-Biz Blues
My Dream
Underway
Oh Well
FACE B
Although The Sun Is Shining
Rattlesnake Shake
Searching For Madge
Fighting For Madge
When You Say
Like Crying
Before The Beginning