Quand Peter Gabriel a annoncé, en 1975, à la fin de la tournée The Lamb Lies Down On Broadway, qu'il quittait le groupe (sans amertume ni colère ; dans sa lettre ouverte au groupe dans laquelle il annonçait sa décision, il écrira ne pas rejeter l'idée de collaborer, un jour, avec les musiciens de Genesis, sur d'autres projets), Genesis ne s'est pas retrouvé surpris outre mesure : le chanteur avait envie d'autre chose et ne s'en cachait pas trop. Le groupe se retrouve sans chanteur, et fait quelques auditions qui ne sont pas convaincantes. Phil Collins se voit quasiment obligé, sur décision du groupe qui avait de toute façon déjà penséà lui comme successeur de Gabriel, de prendre la place vacante, tout en continuant, en album, de jouer de sa batterie. Le groupe continue, à quatre, jusqu'en 1977 : Steve Hackett, le guitariste, s'en va après la tournée de Wind & Wuthering, immortalisée par le double live Seconds Out. Le groupe n'engagera pas de guitariste pour les albums suivants, c'est le bassiste, Mike Rutherford, qui sait aussi jouer de la guitare, qui le remplacera (et en live, Darryl Stuermer, qui joue aussi bien de la basse que de la guitare, sera engagé en musicien d'appoint ; tout comme un batteur d'appoint est engagé dès 1976 : Bill Bruford, puis, finalement, Chester Thompson en 1977). En 1978, avec ...And Then There Were Three... au titre évident, le groupe est à trois membres. L'album n'est pas terrible, malgré de bonnes chansons. Le groupe, après la tournée, va commencer àécrire le successeur, qui sera le premier Genesis des années 80, vu qu'il est sorti en 1980 : Duke. Selon les membres du groupe, c'est à partir de cet album que le style d'écriture de Phil Collins va vraiment prendre son essor.
L'album sort sous une pochette qui, recto comme verso, et dans son intérieur aussi, utilise des illustrations d'un livre pour enfant, L'Alphabet D'Albert, d'un illustrateur français, Lionel Koechlin. Un gros bonhomme a petite tête, devant une fenêtre ouverte. L'illustration n'a que peu de rapport avec le disque, mais est jolie. L'album, lui, est très généreux : il dure 55 minutes (12 titres), autrement dit, il aurait pu être double dans son format vinyle, cette durée de 55 minutes étant relativement peu fréquente sur un simple vinyle (à noter, chose sympathique, que le pressage français de l'album propose, sur sa sous-pochette, la traduction en français des paroles des chansons, paroles qui sont, sinon, proposées dans l'intérieur de pochette). Duke sera, à sa sortie, un très très gros succès, grâce à la présence de trois gros hits : Behind The Lines (que Collins, sur son premier opus solo Face Value sorti l'année suivante, reprendra), Misunderstanding et Turn It On Again. On peut aussi citer Duchess, car la chanson est aussi assez connue, mais quand même un peu moins que les trois autres. Bien que non-conceptuel, Duke possède quand même des fils conducteurs, et il est intéressant de noter qu'au cours de la tournée de promotion de l'album, le groupe en jouera six extraits, d'affilée, en un gros bloc : Behind The Lines, Duchess, Guide Vocal, Turn It On Again et les deux instrumentaux de fin, Duke's Travel (dans lequel on entend quand même les paroles du court intermède Guide Vocal) et Duke's End (qui reprend la trame de Behind The Lines). Ce gros bloc d'une bonne demi-heure de Duke sera interchangeable durant les concerts de 1980. Par la suite, durant les tournées des autres albums, le groupe interprétera souvent des morceaux de l'album, mais indépendamment.
Musicalement, Duke est un gros pas en avant (quoique certains fans estimeront, eux, que le pas est en fait en arrière...) par rapport au précédent opus. On est toujours en présence d'un groupe de rock progressif ici, c'est toujours Genesis, mais la musique devient plus pop/rock, FM, tubesque. C'était déjà un peu le cas avec ...And Then There Were Three..., mais l'album, quasiment aussi long que Duke au passage, était boursouflé, longuet, inégal. Le cul entre deux chaises, et sur le point de s'écrouler au sol au milieu. Duke file directement dans la case pop/rock, les albums suivants entérineront cette nouvelle direction. Le groupe perd une bonne partie de se fan-base (les anciens, qui préféraient sans doute Peter Gabriel et les premiers albums avec Collins au chant) mais en gagne d'autres, qui seront aussi pour beaucoup des fans de Phil Collins en solo (même s'il ne chantera jamais de chansons de Genesis au cours de ses propres concerts, et réciproquement). Phil Collins a rasé sa barbe et s'est coupé les cheveux, il se chope le look qu'il conservera quasi définitivement (jusqu'à ce qu'il perde ses cheveux), les thèmes des chansons seront moins fantaisistes (une des caractéristique du prog-rock : des sujets tels que la fantasy, la SF...), Duchess parlant d'une ancienne gloire de la chanson qui peine à retrouver sa splendeur d'antan, Turn It On Again d'un jeune fan transi devant ses idoles qui passent à la TV, et d'autres chansons de l'album (Please Don't Ask, Misunderstanding, Alone Tonight) semblent avoir des thèmes bien personnels. L'album est un tournant dans la discographie du groupe, une page se tourne définitivement, Genesis n'est plus un groupe de rock progressif, mais de pop/rock. Ils continuent cependant de faire de la musique de qualité, comme Duke en est la preuve ; c'est indéniablement un de leurs meilleurs albums, toutes périodes confondues. Une chanson comme Heathaze est intouchable !
FACE A
Behind The Lines
Duchess
Guide Vocal
Man Of Our Times
Misunderstanding
Heathaze
FACE B
Turn It On Again
Alone Tonight
Cul-De-Sac
Please Don't Ask
Duke's Travel
Duke's End