Il y avait longtemps que Jacques Higelin n'avait pas été abordé ici. Je me colle donc à la tache assez ardue qu'est de parler de cet artiste fantasque. Bon, il faudra bien s'y faire mais, bien qu'elle date de plus d'un an et demi maintenant, sa mort me reste vraiment en travers de la gorge. La chanson francophone a perdu gros en ce putain de vendredi d'avril de l'année dernière. Bon, aujourd'hui, je vais vous parler d'un album qui, s'il n'est pas le meilleur du Hige, est sans aucun doute son plus mythique, son plus authentique, son plus spontané. A l'époque, Higelin fait partie de la Saravah, une petite maison de disques dont le directeur Pierre Barouh, laissait totale libertéà ses artistes. On verra que ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. La seconde face étant occupée par un morceau disons... particulier. Allez, on va regarder tout ça !
Tout d'abord, ça n'est qu'un détail après tout, mais il faut le signaler quand même, il s'agit là du seul album d'Higelin sur lequel apparaît son prénom. Les autres, que ce soit le précédent ou tous ceux qui suivront, n'afficheront que le nom. Et c'est aussi sur ce disque l'on entend pour la première fois la voix d'Arthur H, âgé de cinq ans à l'époque. Bon, si vous trouviez que Paradis Païenétait difficile d'accès (il l'est, là n'est pas la question), alors sachez que ce Jacques Crabouif Higelin l'est encore plus et quelque chose de bien. Faisant passer Paradis Païen pour Tombé Du Ciel. Ici, on va avoir droit à une bonne louche de bizarrerie, une petite pincée de compositions établies et une grosse pointe d'improvisation.
Le disque s'ouvre sur I Love The Queen, intégralement interprétée en anglais. On est dans un truc bien minimaliste. Et ça sent bon l'herbe. On a aucun mal à imaginer le Hige en train de chanter ça assis par terre après avoir fumé un bon gros pétard. La chanson se moque gentiment de Paul McCartney et des sentiments qu'il avait pour la Reine. Franchement, c'est spécial et je sais qu'en ce qui me concerne, ce n'est pas la chanson du Hige que j'écoute souvent. Pour la suite, on a cette fois, une chanson totalement improvisée et assez expérimentale : Tiens, J'Ai Dit Tiens. Tout le long, on entend des voix répétant le titre de la chanson, on entend également Higelin répéter: pourquoi es-tu amoureux de cette fille-là ? Et on l'entend également faire du spoken-word. Quant à la musique, c'est très minimaliste : quelque chose qui s'apparente à un xylophone et surtout, on entend le bruit que font les glaçons lorsqu'ils touillés dans un verre. A l'instar de I Love The Queen, c'est spécial. Ce n'est pas ce que je préfère ! La troisième place du disque est occupée par Je Suis Mort Qui, Qui Dit Mieux. Et là, c'est tout simplement immense. Toute acoustique, cette chanson est à la fois magnifique et sinistre puisqu'écrite du point de vue d'un mec mort et enterré. En elle-même, la chanson est un vrai crève-coeur, mais elle l'est encore plus maintenant qu'Higelin n'est plus. On tient là une des plus grandes chansons Higelinesques tous styles confondus et en compagnie de notamment : Paris-New-York/New-York-Paris, Est-ce Que Ma Guitare Est Un Fusil ?, Boxon, Irradié, Aujourd'hui La Crise, Alertez Les Bébés, Banlieue Boogie Blues, L'Amour Sans Savoir Ce Que C'est, Pars, Champagne, Je Ne Peux Plus Dire Je T'Aime, Encore Une Journée D'Foutue, La Ballade De Chez Tao, Captain Dodécaphonique Dada, Mamy, Le Berceau De La Vie ou encore L'Accordéon Désaccordé. La face A se termine sur Aujourd'hui Blues. La chanson commence par quelques petits mots sortant de la bouche de Higelin Junior avant qu'un cri du paternel ne prenne le relais. Et, en parlant de cris, Higelin, sur cette chanson, parfois, braille comme s'il était en train de chier des bâtons de dynamite avec la mèche allumée. Piano, guitare, violon et batterie sont au programme pour une chanson complètement débridée. Bon, sérieusement, faut s'accrocher, encore une fois, c'est spécial, mais perso là, j'adhère, j'adore à fond la caisse.
Bon, maintenant, place à la face B. Et quelle face B... nom de dieu... la salope ! Bon, rassurez-vous, la comparaison s'arrête là, mais le morceau qui s'y trouve est un peu à cet album ce que le Sister Rayétait au White Light/White Heat du Velvet Underground : un truc qui selon l'humeur va soit vous paraître trop top ou qui va vous exaspérer. Sérieusement. Tiens, d'ailleurs, je parle je parle, mais je n'ai pas encore cité le nom du morceau en question : Musique Rituelle Du Mont Des Abbesses (XXème siècle – XVIIIème siècle arrondissement). Le morceau tire son nom du studio dans lequel il a été enregistré qui se situait donc Rue des Abbesses dans le quartier de Montmartre. En écoutant ce morceau, ce sont vingt minutes instrumentales et expérimentales qui vous attendent. Banjo et flûte, rien d'autre. Et, comme je vous le disais, selon l'humeur, ça passe ou ça casse. Quoi qu'il en soit, il s'agit là probablement du morceau le plus fou qu'Higelin ait un jour enregistré.
Cet album, même s'il n'est pas le meilleur du Hige est à posséder impérativement. Son authenticité, sa spontanéité, sa folie et le caractère mythique qui le caractérise en font un disque indispensable. Et puis, c'est une vraie ode à la création et à la liberté artistique. Le genre de disque comme on en voit plus, ou si peu aujourd'hui.
Face A
I Love The Queen
Tiens, J'Ai Dit Tiens
Je Suis Mort Qui, Qui Dit Mieux
Aujourd'hui Blues
Face B
Musique Rituelle Du Mont Des Abbesses (XXème siècle - XVIIIème siècle arrondissement)