Je me suis rendu compte d'une chose : Bernard Lavilliers n'a pas encore eu les honneurs du track-by-track. Dans la petite cervelle qu'est la mienne, m'est venue la pensée qu'il fallait y remédier. Le Gringo stéphanois le mérite, vous ne croyez pas ? Donc, pour ce 362ème track-by-track, c'est son troisième opus studio qui va être décortiqué du mieux possible. Il faut savoir que sous cette pochette étant une atteinte au bon goût de premier ordre comme on en fait rarement, se cache un album remarquable. Le premier grand grand disque de Lavilliers. D'ailleurs, dans l'oeuvre du baroudeur, cet album est comme un intermédiaire : l'influence de Léo Ferré se fait encore clairement ressentir, mais Nanard commence à trouver son style et à se tourner vers les rythmes et mélodies exotiques. Avant d'attaquer, j'en profite également pour dire que ce Stéphanois ouvre la période dorée de la carrière de Lavilliers. Ce dernier sortira entre 1975 et 1980 cinq albums studios qui sont tous des sommets. Avec un sommet absolu en 1979 !
Les Aventures Extraordinaires D'Un Billet De Banque : Ça commence bien ! L'album s'ouvre sur une immense chanson ! Ecrite du point de vue d'un bifton qui voyage un peu partout, mais qui ne reste que peu de temps dans les poches de Lavilliers, dans un style mi-Higelin, mi-Gainsbourg, cette chanson constitue une entrée en matière imparable. Cynique et drôle à souhait. Mais, vous n'êtes pas au bout de vos surprises. Sachez qu'il y a encore plus immense sur ce disque. Ce qui en dit long sur son niveau !
Le Buffet De La Gare De Metz : Chanson autobiographique. Lavilliers y décrivant le plateau s'offrant à ses yeux dans la gare de la capitale Lorraine. La cité messine n'a pas été choisie par hasard. Lavilliers y étant fortement rattaché suite à des embrouilles survenues pendant qu'il effectuait son service militaire. Il en parlera plus en détail huit ans plus tard dans l'immense Q.H.S (Etat D'Urgence, 1983). Sinon, cette deuxième chanson de l'album est bonne, pas de problèmes, mais elle est quand même l'une de deux moins fortes.
C.I.A : Une chanson courte. A peine plus de 2 minutes 15. Mais, à l'instar des Aventures Extraordinaires D'Un Billet De Banque, c'est très cynique et drôle. Lavilliers se met dans la peau d'un mec qui s'est fait foutre dehors du F.B.I et qui a rejoint les rangs de la C.I.A. Comme vous vous en doutez, ce petit jeu de rôle est le terreau propice pour que Nanard puisse déglinguer bien comme il faut cette organisation ricaine. C'est imparable !
La Vérité : Surchargée, qui était noire et devient blanche, ou l'inverse et j'en passe. Cette chanson, très influencée par Léo Ferré parle de la vérite sous toutes ses formes. Chacun a la sienne. Ils ont la leur, on a la nôtre. Mais personne ne détient la vraie vérité. On ne peut finalement, en quelque sorte, que se perdre en conjectures. Excellente chanson, une de plus me direz-vous, mais qui ne fait pas partie de celles que je préfère. Et sur l'album et sur l'ensemble de l'oeuvre du Gringo.
Balthazar : La deuxième et dernière chanson la moins forte du disque. N'allez pas croire que c'est mauvais ou moyen. Rien n'est à foutre à la poubelle sur ce disque. Mais cette chanson a le manque de bol d'être prise en sandwich entre une excellente chanson et un monstre sacré. Mais ça n'en reste pas moins une jolie chanson toute acoustique.
La Grande Marée : Et là... le silence se fait... Si la première face s'ouvre sur une immense chanson, elle se clôture sur une chanson qui est encore plus immense. Car là les gars, il n'y a pas à chercher midi à quatorze heures, on est en présence de l'une des plus grandes chansons de Lavilliers. Cette Grande Marée, sorte de conte futuriste aux paroles apocalyptiques est intouchable ! Lavilliers en a pondu des grandes chansons, mais celle-là truste tranquillou le haut du panier. Je n'en dirai pas plus. Je ne veux pas la salir.
San Salvador : Chanson à nouveau autobiographique car relatant un voyage que Lavilliers a fait au Salvador, San Salvador en étant la capitale. Je ne peux vous donner de date précise, mais je pense que ce voyage, le Gringo l'a fait aux environs de 1965/1966. Là les mecs, je ne sais pas ce que je vais pouvoir dire de plus si ce n'est qu'avec cette chanson, nous somme en présence du sommet absolu de l'album. Pas un tube, l'album n'en contient pas, mais un classique impérissable de Nanard. Serait-ce tout simplement la plus grande chanson de Lavilliers ? J'aurais tendance à penser que oui, avec Les Barbares (dans sa version d'origine) ex-aequo. Toi qui me lis n'oublie pas que Si tu vas à San Salvador, va voir la femme, qui sait lire dans les yeux du sort, aussi dans les flammes, elle te dira des mots très forts, comme les tambours, qui dansent sur la terre des morts, juste avant le jour.
Les Antimémoires : Encore une chanson autobiographique ! Laquelle est à la fois caustique et quelque peu amère. Lavilliers y racontant qu'il a chanté des chansons sérieuses devant tous les publics avant de comprendre que pour gagner sa vie, il ne faut pas être exigeant. Que le mieux, c'est de faire des chansons toutes simples qui n'incitent donc pas à la réflexion. Ainsi, on arrive à concquérir le public, on se fait des thunes et des tas de copains un peu partout, c'est bonnard quoi. Sincèrement, c'est une chanson très bonne, mais elle ne fait pas partie de mes préférées, même si j'aime beaucoup ses breaks aux couleurs quelque peu latinos.
Saint-Etienne : Si vous aimez Lavilliers, ne serait-ce qu'un peu, vous savez qu'il est natif de la banlieue de Saint-Etienne et que pendant son adolescence, il faut apprenti-tourneur dans une usine de la cité stéphanoise. Laquelle aujourd'hui ne garde plus ou alors que très peu de traces de son passé ouvrier et minier. La chanson, encore une fois, est autobiographique puisque le Gringo y relate ses années d'apprentissage. Et, chose à signaler, pas une seule fois le nom Saint-Etienne n'est prononcé. Sinon, une chanson remarquable, faisant partie des classiques de Nanard.
La Samba : Voici selon moi la première chanson dans laquelle l'influence des musiques sud-américaines se fait ressentir dans les compositions de Lavilliers. Ici, c'est de l'exotisme pur et dur et on se casse au Brésil. Comme le titre l'indique, on a droit à de la samba mais aussi à de la bossa nova. Une chanson qui n'a pas d'autres prétentions que de faire ressortir l'amour de Lavilliers pour les rythmes et mélodies exotiques, mais qui n'en demeure pas moins putainement excellente.
L'Espagne : Si vous avez tout bien lu depuis le début, vous avez pu constater que la face A s'ouvrait sur une immense chanson et s'achevait sur une chanson encore plus immense, tout comme vous avez pu constater que la face B s'ouvrait sur un sommet absolu. Et bien, cette même face B s'achève sur une immense chanson aussi. Laquelle parle de ce que fut l'Espagne franquiste. Et Lavilliers en peint un tableau loin, très loin des cartes postales. Ce qui l'a pousséàécrire cette chanson ? Tout simplement la mort de cet enculé de Franco qui cassera sa pipe en 1975. C'est donc en cette année-là que l'Espagne, s'affranchira du joug de la dictature et redeviendra une monarchie et une démocratie. La chanson est parfaite. Que ce soit son rythme, sa mélodie ou ses paroles. Tout est parfait. Et ça termine de la meilleure des façons un album remarquable.
Ainsi s'achève ce track-by-track qui j'espère vous aura donné l'envie de découvrir ce disque si vous ne le connaissez pas encore. Si c'est le cas, alors j'aurais réussi ma mission. Tout fan de Bernard Lavillers se doit de le posséder. Mais, en allant plus loin, tout fan de vraie bonne chanson française se doit de le posséder. Son premier sommet. Le premier d'une longue série.
Face A
Les Aventures Extraordinaires D'Un Billet De Banque
Le Buffet De La Gare De Metz
C.I.A
La Vérité
Balthazar
La Grande Marée
Face B
San Salvador
Les Antimémoires
Saint-Etienne
La Samba
L'Espagne