Big Mama Thornton, est-ce que ce nom vous dit quelque chose ? Si vous êtes amateur de blues, de blues-rock, de rythm 'n'blues, ainsi que de rock 'n'roll, ça vous dit forcément quelque chose. Je vais vous la présenter rapidement. Big Mama Thornton est née en 1926 dans l'Alabama sous le nom de Willie Mae Thornton. Son surnom de Big Mama lui vient bien évidemment de sa carrure plus qu'imposante. Après avoir lu cette ligne, allez jeter un coup d'oeil rapide sur la photo d'elle incluse un peu plus bas, pour voir le colosse qu'était cette femme. Et, je peux vous dire sans sourciller que sa voix était aussi puissante que sa carrure était imposante. Bref. Autant dire les choses comme elles sont : A l'exception d'une chanson chantée en 1953 (nous verrons laquelle dans le paragraphe suivant), Thornton n'a eu que très peu de succès et n'a été que très peu reconnue. Bien qu'américaine, le grand public ricain ne la connaît absolument pas. Elle décèdera en 1984 sans un rond et rongée par l'alcoolisme. D'ailleurs, ce triste dessein d'artiste de talent et influent mais qui n'a aucun succès et qui finit par mourir fauché, n'est pas sans rappeler le cas d'Arthur Crudup, par exemple. Venons-en à l'album en question : Big Mama Thornton In Europe. Enregistré en Angleterre en 1965. A cette époque, les albums des artistes de blues étaient pour beaucoup des compilations regroupant des titres parus en 45 voire en 78 tours. Ici, ce n'est pas le cas. Toutes les chansons présentes ont été enregistrées pour les besoins de l'album.
Cet album, Big Mama l'a enregistré avec un groupe de musicien improvisé. On y trouve Buddy Guy à la guitare électrique, Fred McDowell à la guitare slide (même s'il n'est pas tout le temps mentionné), Big Walter Horton à l'harmonica, Eddie Boyd au piano, Jimmie Lee Robinson à la basse et Fred Below à la batterie (instrument dont Big Mama savait jouer d'ailleurs, en plus de l'harmonica). A l'exception de Buddy Guy, tous ces musiciens sont peu ou pas connus, mais je peux vous assurer que ce ne sont pas des brêles. Eux et Big Mama, qui a composé 7 des 11 chansons de l'album, vont défourailler un disque génial ! Je vous disais dans le paragraphe précédent que Big Mama avait rencontré le succès en 1953. Et pour cause, elle avait interprété une chanson écrite par le fameux tandem Jerry Leiber/Mike Stoller qui ont reçu l'aide Johnny Otis (rien que ça) pour la composition. Cette chanson, 3 ans plus tard, en 1956 donc, deviendra un succès planétaire quand elle sera reprise par Elvis Presley. La chanson s'appelle Hound Dog ! Tout comme moi, vous savez que la version du King est gigantesque, mais figurez-vous que la version de Big Mama l'est encore plus, ça vous donne une idée du niveau. Seulement voilà, si la chanson a eu du succès, Big Mama, sur le plan financier, s'est faite enfler et comme il faut. Et pour cause, elle n'a touché que 500 dollars. J'ignore ce qu'ont touché Leiber, Stoller et Otis, mais ils se sont fait enfler aussi. Quand Elvis (qui ignorait d'ailleurs que cette chanson avait été chantée à l'origine par une chanteuse de blues) chantera cette chanson, les paroles seront modifiées dans le but de toucher un public métissé. Sur les pochettes de disques, le nom de Johnny Otis disparaît car s'il n'a effectivement rien à voir au niveau des paroles, il a quand même apporté sa touche à la composition. Et, Big Mama, tout comme en 1953, ne touchera pratiquement rien. Je sais que c'est scolaire jusqu'à maintenant, mais il est absolument nécessaire de connaître l'histoire de cette chanson. Pour cet abum de 1965, Big Mama et ses zikos en enregistrent donc une nouvelle version. Et, si elle n'est pas aussi démentielle que la version d'origine, elle n'en demeure pas moins monstrueuse. A noter que l'édition CD de cet album propose une nouvelle version de Hound Dog dans les bonus-tracks.
Il y a ici une chanson évoluant un cran en-dessous du reste : Swing It On Home. Ce n'est pas mauvais, ni même moyen, rien ne l'est sur ce disque, mais c'est quand même moins percutant que le reste. Maintenant que j'en ai parlé, on peut passer au reste. Et, je peux vous garantir que le reste envoie sacrément la purée. Le disque s'ouvre sur Sweet Little Angel (également connue sous le nom de Black Angel Blues), un véritable classique du blues qui fut interprété pour la première fois en 1930. Seulement, il y a un problème avec cette chanson : si l'on connaît tous les artistes qui ont un jour interprété cette chanson, ainsi que de quelle période elle date (1928-1929), on ne sait toujours pas qui de Lucille Brogan ou Tampa Red a écrit et composé cette chanson. Toujours est-il que, chantée par Big Mama, ce sont plus de 5 minutes parfaites. The Place, qui prend le relais est bien plus courte (2 minutes pour 36 secondes), mais vraiment super aussi. Et, comme pour Sweet Little Angel, on ne sait pas qui est le créateur de cette chanson. Arrive une reprise de Little Red Rooster, une chanson de Willie Dixon. Et, c'est tout simplement terrible. Même les cris de coq qui auraient pu être fortement dérangeants sont géniaux. Big Mama était une chanteuse hors-pairs. Unlucky Girl est la première des 7 chansons du disque àêtre composée par Big Mama elle-même. Et, si c'est un peu moins réussi que Sweet Little Angel, The Place et Little Red Rooster, c'est quand même sacrément bon. Mais, à partir de maintenant les mecs, on va changer de planète. On va se casser loin de la Terre. Car c'est un feu d'artifice de musique bandante à n'en plus finir qui nous attend. A commencer par Your Love Is Where It Ought To Be. Chanson à tomber est lancée par une intro à l'harmonica tout simplement démentielle. Session Blues est également un vrai monstre de blues-rock. En revanche Down Home Shake Down est un instrumental. Mais il est parfait de bout en bout. Et les deux derniers morceaux... nom de dieu... My Heavy Load (long de 5 minutes pour 50 secondes) et School Boy sont des blues pur jus. Un vrai régal pour tout amateur du genre. La guitare sèche est juste énorme.
Du fait du manque de notoriété de Big Mama Thornton, cet album n'est pas des plus faciles à trouver, même la réédition CD est ancienne (1989), ce qui complique un peu plus la tâche. Mais rassurez-vous, il n'est pas non plus nécessaire de remuer terre et ciel pour le choper. Donc, dès que vous tombez dessus, prenez-le ! Ce disque est un monument, ce qui le rend indispensable. D'ailleurs, je suis prêt à parier que les mordus absolus de blues le possèdent déjà. Et comme ils ont raison ! Si vous n'arrivez pas à le choper, écoutez-le quand même ! Il est disponible sur YouTube. On ne peut pas passer à côté.
Face A
Sweet Little Angel
The Place
Little Red Rooster
Unlucky Girl
Hound Dog
Swing It On Home
Face B
Your Love Is Where It Ought To Be
Session Blues
Down Home Shake Down
My Heavy Load
School Boy