Y'a le feu dans l'studio, je continue ?
Second album de celui que l'on surnommera un jour la Chetron Sauvage et qui se surnommera lui-même le Chanteur Enervant, j'ai nommé Renaud, cet album, comme le précédent (et, aussi, comme le suivant), ne porte pas de nom officiel. On devrait, donc, logiquement, l'appeler, encore une fois, Renaud, ou bien choisir le titre de la première chanson comme titre officieux (ce qui fut le cas pour le premier album, appelé donc Amoureux De Paname, et ce qui sera le cas du troisième album, dont je reparlerai demain, même heure). Dans ce cas, ce deuxième album de Renaud devrait être, selon toute logique, baptiséLaisse Béton. Mais non, en fait. CC'est la photo de pochette, iconique en diable, prise par son frangin David dans une rue du XVème arrondissement de Paris, avenue du Maine, qui a, quasi naturellement, donné son titre à l'album : Place De Ma Mob. On y voit Renaud, en tenue de parfait loubard, posant à moitié assis sur sa moto (au verso, c'est pareil, sans l'affiche et avec un Renaud fantômatique sur la droite), devant un mur décrépi (sur lequel une affiche en partie déchirée à l'effigie de son premier album est bien visible). Sur le mur, un grand arc de cercle descendant, entourant sa moto, et l'inscription "place de ma mob". Il n'en fallait pas plus. Le premier opus de Renaud, sorti en 1975 sur Polydor, on l'a vu hier, n'était pas génial. Deux gros classiques du chanteur, dont le polémique et furieux Hexagone, mais surtout des chansons sans grande envergure pour la plupart, et aussi un chanteur pas encore affirmé (sa voix, pas encore 'définitive' si on peut dire).
C'est deux ans plus tard, en 1977 donc, et précisément en octobre, que Renaud, toujours chez Polydor (il y restera jusqu'en 1983/84), sort son deuxième album. Si le premier opus était décevant, Place De Ma Mob, album court (35 minutes, 12 titres), est, lui, une réussite quasi totale. Osons le dire, d'ailleurs je vais oser le dire : ce disque pose la majeure partie des bases de la légende renaldienne. Sur les 12 titres, la moitié sont des classiques absolus, et notamment, évidemment, Laisse Béton. Ce petit chef d'oeuvre drôlatique sur les mésaventures d'un jeune loubard se faisant graduellement dépouiller de ses biens à la suite de bastons mal gérées est un régal de nouvelle folk francaouise. A l'harmonica, sur l'album, le grand Jean-Jacques Milteau. Autres classiques : Germaine, qu'on ne présente plus, sur une baba-cool écoutant les Stones et Maxime Le Fox-terrier (chanteur qu'on reconnaîtra) ; Adieu Minette, qui parodie, dans ses arrangement,s les chansons des années 60 façon N'Avoue Jamais ; Les Charognards, immense, puissante chanson inspirée par un faits divers sordide (un braquage se finissant dans un bain de sang, les voleurs se faisant allumer par la police qui en tue un, devant des passants le regardant mourir sans pitié, Renaud aurait assistéà la scène, survenue le 5 décembre 75 rue Pierre-Charron, à Paris) ; et ces chansons rigolotes ou mélancoliques sur les loubards, La Bande A Lucien, Je Suis Une Bande De Jeunes, La Chanson Du Loubard. La première parle d'un ancien chef de bande apparemment rangé des voitures, la seconde est humoristique, la dernière, un petit documentaire pris sur le vif, se finissant en tragédie.
Au rayon humour, l'album est bien pourvu : Buffalo Débile, qui s'achève sur la devise du braqueur Albert Spaggiari (ni armes, ni haine, ni violence) mais ne parle sinon pas de lui, raconte les mésaventures d'un petit loubard, apprenti délinquant vraiment pas doué. Le Blues De La Porte D'Orléans est un régal bluesy (le titre ne trompe pas) et très drôle ; le court (moins de 2 minutes) Mélusine ne vole pas haut (J'ai rencontré Mélusine, au moi de mai à l'usine) et est, avec La Boum que je n'ai jamais aimé, le morceau le moins bon ici, mais ça reste meilleur que la majeure partie des morceaux du précédent opus. Et Jojo Le Démago, avec son rythme de tango, est une bonne petite chanson, un peu mineure, mais très agréable. Et puis, il y à la voix de Renaud, en deux ans le chanteur a enfin trouvé sa voix, un peu moins aigüe (disons, moins nasillarde, en fait) que sur le précédent album. Elle évoluera encore, évidemment, avec l'âge et certains abus (les abus se feront sentir à son retour en 2002, après une quasi-décennie de plongée dans la picole), mais ici, elle est presque au zénith, qui sera atteint à partir de 1980 pour moi. Pour résumer, ce deuxième opus, bien que court (mais, on le voit, quasiment rien à retirer), est une vraie réussite, que les fans du chanteur, généralement, tiennent en très haute estime, et qui fait partie de ses essentiels. Même le lettrage de la pochette sera réutilisé, par la suite, pour des best-ofs, il me semble. Remarquable !
FACE A
Laisse Béton
Le Blues De La Porte D'Orléans
La Chanson Du Loubard
Je Suis Une Bande De Jeunes
Adieu Minette
Les Charognards
FACE B
Jojo Le Démago
Buffalo Débile
La Boum
Germaine
Mélusine
La Bande A Lucien