Je ne sais pas si vous connaissez Al Kooper (pas personnellement, hein, mais de nom, au moins), mais ce type est un des musiciens les plus fabuleux des années 60/70. Claviériste, guitariste, chanteur, compositeur, arrangeur, producteur (il a notamment produit les premiers Lynyrd Skynyrd, et a même découvert ce groupe alors qu'ils jouaient dans de petits clubs locaux), Al Kooper a notoirement bossé avec Bob Dylan, notamment sur l'essentiel de la Thin wild mercury sound trilogy de 1965/1966 (Highway 61 Revisited, Blonde On Blonde). Kooper a fondé le groupe de jazz-rock Blood, Sweat & Tears (enfin, il a cofondé le groupe) et joué et chanté sur leur premier opus, leur meilleur, Child Is Father To The Man, qui est un joyau absolu et méconnu. Il a enregistré, avec Mike Bloomfield et Stephen Stills, un album génial de jazz/rock/rhythm'n'blues, en 1968 (même année que le premier BS&T), Super Session. Peu après, toujours avec Bloomfield, il monte sur scène, au Fillmore West de San Francisco, et fera un double live, sorti en 1969, The Live Adventures Of Mike Bloomfield & Al Kooper, qui est un des plus grands lives que je connaisse. On y entend, le temps d'une face C imparable, Carlos Santana et Elvin Bishop. Encore la même année 1968 (et le disque sortira début 1969), Kooper enregistre son premier album solo, sorti sous une pochette le représentant en Statue de la Liberté : I Stand Alone.
Ce disque, qui s'ouvre sur une Overtureétrange (d'abord des éclats de rires, puis un orchestre de cordes, un piano jazzy/swing, des bruits d'émeute avec notamment le fameux Whole world watching...), est en partie constitué de reprises : One est initialemment de Harry Nilsson, Coloured Rain de Traffic, Blue Moon Of Kentucky fut popularisée par Elvis Presley dès ses premiers enregistrements Sun de 1954/55, Toe Hold est de Isaac Hayes et Hey, Western Union Man est de Jerry Butler. Ces reprises sont franchement très bonnes, je suis bien plus fan de la version Kooper de Coloured Rain que de la version originale, qui est un des morceaux que j'aime le moins sur l'album de Traffic sur lequel elle se trouve, Mr Fantasy (déjà que je ne suis pas fan de Traffic...). I Stand Alone, sous sa pochette amusante et quelque peu prétentieuse (au dos, un dessin représente Kooper en train de bouffer à pleines mains, sans couverts, ce qu'il me semble être la Statue de la Liberté, justement, par-dessus une assiette aux couleurs du drapeau américain), dure 41 minutes et est un vrai petit bordel qui entremêle arrangements de cordes (One), de cuivres en pagaille (Camille), et fait furieusement penser au premier album de Blood, Sweat & Tears, à l'époque où, comme je l'ai dit plus haut, Kooper faisait partie du groupe. On y retrouve le même ton chatoyant, un crossover assez réussi (mais parfois un petit peu daté) entre rock, pop, jazz et classicisme.
Al Kooper a sorti par la suite d'autres albums, souvent très réussis, que j'aborderai ici prochainement pour la plupart. Sur ce disque aujourd'hui assez oublié, méconnu, il joue des claviers, de la guitare de l'ondioline, gère les orchestrations et chante, et est accompagné notamment de Charlie McCoy, Ken Buttrey, "Big" Charlie Daniels, Wayne Moss et Jerry Kennedy. Ne comprenant (si on met de côté le bruitiste instrumental Soft Landing On The Moon et Overture) aucune mauvaise chanson, I Stand Alone est un très très bon premier album bien dans l'air de son temps, assez varié, un peu dispersé quand même. Ce n'est pas le meilleur album de cet arrangeur/producteur génial, mais c'est vraiment pas mal du tout.
FACE A
Overture
I Stand Alone
Camille
One
Coloured Rain
Soft Landing On The Moon
FACE B
I Can Love A Woman
Blue Moon Of Kentucky
Toe Hold
Right Now For You
Hey, Western Union Man
Song And Dance For The Unborn Frightened Child