74 minutes pour 19 titres, tel est le programme de ce disque de David Bowie, sorti en 1995, son 19ème album studio par ailleurs. Un album qui a ses fans, mais aussi ses détracteurs, au même titre que Diamond Dogs (1974), d'ailleurs. Son nom ? 1.Outside. Généralement appeléOutside tout court. Pourquoi un tel titre avec un chiffre devant ? Parce que Bowie avait, avec ce disque, l'intention d'inaugurer une série d'albums centrés autour d'un personnage de détective privé du nom de Nathan Adler, détective évoluant dans un univers glauque, rétrofuturiste, et dont 1.Outside (sous-titréThe Nathan Adler Diaries : A Hyper Cycle) aurait été le premier volet, un disque conceptuel racontant une enquête du privé, une sorte de disque pour les oreilles. J'ai écrit 'aurait été le premier volet', car Bowie, au final, cessera le projet une fois cet album publié, il passera à autre autre chose. Soit il ne croyait plus en ce projet un peu tarabiscoté, soit le fait que l'album ait bien marché sans pour autant casser la baraque l'a dissuadé de remettre le couvert pour un nouvel épisode qui se serait logiquement appelé2.--- (mettre le titre de l'album à la place des tirets). Combien d'albums Bowie avait-il l'intention de faire, je ne sais pas ; trois, sans doute, histoire de faire une trilogie. A propos de trilogie, vous vous rappelez de la fameuse trilogie berlinoise de Low/"Heroes"/Lodger, faite entre 1977 et 1979 ? Oui, bien sûr que vous vous en souvenez, vous n'êtes pas cons, quand même. Ces albums (respectivement enregistrés en France, en Allemagne et en Suisse) furent produits par Tony Visconti et Bowie, mais en partie co-écrits (et surtout co-enregistrés) avec le grand Brian Eno. Lodger, en 1979, marquera la dernière collaboration entre Bowie et Eno. Enfin, la dernière jusqu'à 1995, vu que 1.Outside, justement, marque les retrouvailles entre l'ex-Roxy Music et Bowie. Là, en revanche, contrairement à la trilogie berlinoise, c'est Eno qui produit (ou plutôt, co-produit avec Bowie et David Richards). Tout comme Lodger, c'est aux studios Mountain de Montreux, Suisse, que fut fait le disque ; marrant que cela au même endroit que l'album ayant achevé, temporairement, la collaboration entre Bowie et Eno ! Collaboration qui, une fois 1.Outside fini, ne se reformera plus...
Au moment où Bowie enregistre l'album, il est, musicalement, dans une mauvaise passe, et ce, depuis un peu plus d'un an. Son dernier grand disque, à l'époque, étant Scary Monsters (& Super Creeps), album datant tout de même de 1980... Après ? Let's Dance, en 1983, est ultra-trop commercial, mais derrière la production clinquante de Nile Rodgers (dont s'inspirera Gainsbourg pour son Love On The Beat, il voulait engager Rodgers après avoir entendu le disque de Bowie ; il n'aura que Billy Rush, de l'écurie Rodgers), on trouve des chansons vraiment efficaces. Ca reste mineur. Puis le grand schplaouch, avec Tonight (immonde), Never Let Me Down (à peine meilleur, tout de même foutralement raté), une tournée promotionnelle nullissime (Glass Spider Tour) en 1987/88. Puis Bowie surprend tout le monde en fondant Tin Machine, un groupe de rock pur et dur qui durera le temps de deux albums très inégaux (le premier, ça peut aller, mais le second...) et d'un live correct. On se demande cependant encore ce que Bowie a mangé comme champignons pour avoir eu l'idée de Tin Machine. Puis Bowie revient aux affaires en 1993 avec le très médiocre (et produit par Nile Rodgers) Black Tie White Noise. Et la bande-son d'un TVfilm britannique, The Buddha Of Suburbia, très médiocre aussi. Quand il entre en studio pour enregistrer 1.Outside, Bowie sait qu'un autre bide artistique serait clairement celui de trop. A sa sortie, l'album est jugé trop long (ça reste, de loin, son album studio le plus long), trop hermétique, mais on lui reconnaît aussi de grandes chansons. Certains iront jusqu'à dire que c'est son meilleur album depuis les années 70, c'est un peu vite oublier l'album de 1980. Mais il est vrai que, parmi les 19 titres, on a de quoi faire un album de haute volée en choisissant les meilleurs morceaux : Outside, The Hearts Filthy Lesson, Hallo Spaceboy (qui fait référence au personnage de Major Tom, de la chanson Space Oddity, personnage qui apparaissait aussi dans Ashes To Ashes), The Motel, I Have Not Been To Oxford Town, I'm Deranged, Strangers When We Meet et Wishful Beginnings. En comptabilisant tous ces titres, on ferait un disque d'environ 38/39 minutes, soit un album de durée classique en vinyle (une édition vinyle de 1995 sortira d'ailleurs, ne proposant que 13 titres sur 19, certains dans des versions raccourcies, et curieusement, pas de Stranger When We Meet et Wishful Beginnings dessus) et un album de durée plutôt courte, mais acceptable pour un CD de 1995. Il n'y aurait que 8 titres sur 19, mais 1.Outside serait nettement meilleur. Car ce que je n'ai pas encore eu le temps de dire, c'est que, oui, clairement, 1.Outside est interminable, trop long, boursouflé, rempli de chansons (parfois courtes : les cinq morceaux intitulés (Segue)... sont là plus pour faire le lien entre différents morceaux et utiliser le concept fumeux de l'album que pour autre chose), trop rempli de chansons. Si l'album offre 8 grandes chansons (et parmi elles, Strangers When We Meet, I Have Not Been To Oxford Town, The Motel et Hallo Spaceboy sont clairement les sommets), il offre aussi des chansons nettement moins remarquables, comme A Small Plot Of Land, The Voyeur Of Utter Destruction (As Beauty), No Control, We Prick You ou les (Segue).
Entre cet amoncellement de morceaux moyens (et/ou inutiles), sa production très industrielle à la Nine Inch Nails (d'ailleurs, la tournée Outside Tour de Bowie, en 1995/96, sera organisée avec Nine Inch Nails) et l'hermétisme quasi-total du concept de l'album (en plus, le livret est remarquablement illisible, les paroles sont quasi impossible à lire... à noter que l'ambiance film noir décaléà la Dashiell Hammett meets William Burroughs and together they fuck Neuromancien de William Gibson est bien retranscrite dans les illustrations photographiques du livret ; une photo est d'un gore absolu...)...entre tout ça, donc, plus la durée de l'album, difficile de voir en 1.Outside un chef d'oeuvre. Mine de rien, certains fans de Bowie adorent ce disque, qui, il est vrai, renferme plus de grandes chansons que pas mal des précédents opus (et que pas mal des suivants), mais entre sa durée, son côté très complexe, son concept raté et l'accumulation de trucs inutiles, l'écoute de cet album m'est plus épuisante qu'autre chose et, au final, il sort rarement de son boîtier. Dommage, il y avait vraiment de quoi faire de 1.Outside un monument. Il n'est qu'un disque inégal, surestimé, et à réserver aux fans de Bowie ou à ceux ayant déjà découvert les précédents albums de l'artiste. Ne commencez pas par lui, en revanche (à moins d'être un fan de Nine Inch Nails, groupe dont aucun membre ne joue sur le disque, au fait ; dans ce cas, vous aurez sans doute de quoi mieux apprécier ce disque qu'un fan de rock lambda). Je me rend compte, d'ailleurs, en arrivant à la fin de ma chronique, que j'ai oublié de citer les musiciens jouant sur le disque : Reeves Gabrels (guitare), Carlos Alomar (idem), Eno (synthés), Erdal Kizilcay (basse, claviers), Mike Garson (piano), Sterling Campbell (batterie), Joey Baron (idem), Yossi Fine (basse), Tom Frish (guitare sur un titre), Kevin Armstrong (idem)... et Bowie (guitare, saxophone, claviers), évidemment !
Leon Takes Us Outside
Outside
The Hearts Filthy Lesson
A Small Plot Of Land
(Segue) - Baby Grace (A Horrid Cassette)
Hallo Spaceboy
The Motel
I Have Not Been To Oxford Town
No Control
(Segue) - Algeria Touchschriek
The Voyeur Of Utter Destruction (As Beauty)
(Segue) - Ramona A. Stone/I Am With Name
Wishful Beginnings
We Prick You
(Segue) - Nathan Adler
I'm Deranged
Thru' These Architect's Eyes
(Segue) - Nathan Adler
Strangers When We Meet