Les années 90 démarrèrent difficilement pour David Bowie : le second album de son groupe Tin Machine (Tin Machine II), en 1991, est médiocre, let le live du groupe (Oh Vey, Baby) n'est pas extraordinaire. Puis, en 1993, Black Tie White Noise, produit par Nile Rodgers, est un disque assez décevant, malgré quelques excellentes chansons comme Miracle Goodnight et Jump They Say. La même année, Bowie écrit et enregistre la bande-son d'un TVfilm britannique adapté d'un best-seller, l'album, le film et le roman s'appellent The Buddha Of Suburbia. L'album est on ne peut plus méconnu, et sans être grandiose, il est tout de même pas trop mal, à découvrir, en tout cas (mais il reste un Bowie secondaire pour moi). En 1995, Bowie retrouve Brian Eno et sort le long et boursouflé1.Outside, que j'ai récemment réabordé ici, un disque trop long (74 minutes, 19 morceaux), mais renfermant quelques chansons absolument quintessentielles, Strangers When We Meet (déjà présente sur The Buddha Of Suburbia dans une autre version), Hallo Spaceboy, The Motel, I Have Not Been To Oxford Town... Un disque conceptuel (l'histoire d'un détective privé enquêtant sur un meurtre sordide) aux forts accents industriels à la Nine Inch Nails, d'ailleurs, le groupe de Trent Reznor fera partie de la tournée 95/96 de Bowie. L'album est trop long, trop complexe. Il devait être le point de départ d'une série d'albums sur le personnage de Nathan Adler (le détective privé), mais finalement, restera unique. Bowie cherche à se renouveler sans cesse, on le sait. En 1997, il sort un nouvel album, lequel, bien plus sobre, en terme de durée, que 1.Outside (il n'atteint pas, en effet, la cinquantaine de minutes, même s'il la frôle), est aujourd'hui un de ses albums les moins bien estimés par les fans : Earthling.
Oui, c'est un fait, Earthling, enregistré avec ses musiciens de l'époque (Reeves Gabrels à la guitare, Zachary Alford à la batterie, Gail Ann Dorsey à la basse, Mike Garson au piano, ce dernier a rejoint l'écurie Bowie en 1972, mais ne participera pas aux albums de Bowie entre 1975 et 1995), est un disque sous-estimé. L'album ne sera pas un bide commercial, mais avec le recul, les fans (pas tous, pas tous ! Je sais de source claire et limpide que Leslie Barsonsec, ami internaute et chroniqueur occasionnel du blog, adore Earthling, et je suis comme lui) se sont quelque peu désintéressés de lui. Pourtant, il y à du lourd, du très lourd, sur ce disque. Earthling est produit par Bowie lui-même, je crois que c'est même son premier album qu'il produit lui-même tout seul comme un grand (il avait, auparavant, coproduit certains de ses albums). L'album sortira sous une très belle pochette montrant un Bowie de dos, dans un manteau aux couleurs de l'Union Jack (quelque peu usé), mains dans le dos, bien droit dans un décor champêtre. Le look de Bowie, à l'époque, était très moderne, chevelure blond vénitien, coupe en brosse, barbe de trois jours, petit bouc... Musicalement, Earthling est lui aussi très dans l'air de son temps. Si le précédent opus était sous influence Nine Inch Nails, Earthling (titre qui signifie 'Terrien') est sous l'influence du drum'n'bass et du jungle-rock à la The Prodigy. Pas sur tous les morceaux, mais sur une grande majorité. L'album précédent offrait 19 titres, celui-ci en contient 10 de moins. Mais quels titres ! Si on excepte The Last Thing You Should Do (qui ne me plaît pas trop), il n'y à rien à jeter ici. On y trouve même cinq (oui, cinq, sur neuf chansons !) classiques absolus de Bowie : Little Wonder (qui sortira en single), Battle For Britain (The Letter), Seven Years In Tibet (où Bowie fait vrombir son saxophone ; la chanson s'inspire de l'autobigraphie du même nom d'Heinrich Harrer, mais le film de Jean-Jacques Annaud qui en sera l'adaptation n'était pas encore sorti), Dead Man Walking (aussi un titre original de film de la même époque, mais rien à voir : La Dernière Marche) et I'm Afraid Of Americans (qui sera refait par la suite avec Nine Inch Nails). Cinq chansons démentielles, ma préférence allant àLittle Wonder (une progression haletante, qui plus est en ouverture d'album) et Seven Years In Tibet (morceau d'apparence calme, avec de grands pics de violence, de tension).
Le reste de l'album est également remarquable : Looking For Satellites est un morceau fantastique, Telling Lies est méconnu et vraiment excellent, et le final Law (Earthlings On Fire) vaut lui aussi totalement le coup, avec son rythme syncopé. Dans l'ensemble, avec sa production bien dans son époque (et qui, bien qu'étant très puissante, est moins épuisante que celle de 1.Outside), cet album est probablement (et même très certainement !) le meilleur album studio de Bowie dans les années 90, et son meilleur (pour l'époque) depuis Scary Monsters (& Super Creeps) de 1980. En totale forme (ses musiciens aussi : Reeves Gabrels, arrivé chez Bowie via Tin Machine et qui partira après l'enregistrement de 'Hours...' (de 1999), Zach Alford qui est toujours avec Bowie, Gail Ann Dorsey qui est toujours avec Bowie aussi, et l'inévitable Garson), Bowie livre un disque puissant, méconnu au final, parfois mal-aimé, mais assurément un chef d'oeuvre. Un disque que j'ai cependant mis un peu de temps à aimer, l'ayant découvert (à sa sortie ; j'avais 15 ans) à une époque où les productions drum'n'bass me faisaient royalement chier. Je ne suis toujours pas fan de ce genre de production, mais je fais une exception pour ce disque, réellement bluffant et, à une chanson près (laquelle n'est pas mauvaise, en même temps), quasiment parfait. Earthling est un grand cru de David Bowie. Sending me so far away, so far away...So far away, so far away...
Little Wonder
Looking For Satellites
Battle For Britain (The Letter)
Seven Years In Tibet
Dead Man Walking
Telling Lies
The Last Thing You Do
I'm Afraid Of Americans
Law (Earthling On Fire)