1970 : premier 'vrai' album solo de John Lennon, un disque fabuleux, difficile (on peut parler de psychanalyse musicale), qui sera parfois décriéà sa sortie comme étant trop introspectif et limite inécoutable : John Lennon/Plastic Ono Band. 1971 : deuxième album, sensiblement la même chose, mais avec une production, dixit Lennon, chocolatée : Imagine. Gros succès. 1972 : Lennon se met tout le monde à dos avec un double album (à moitié live), Some Time In New York City, disque conçu et enregistré en duo avec sa Yoko, disque de chansons politiques et d'actualité, ayant très mal vieilli. Hormis une ou deux chansons, c'est un échec, et un gros bide commercial et critique. On arrive, à ce stade de l'affaire, au point de rupture. Lennon a bien déçu son monde, et commence à récolter les mauvaises critiques qui étaient, jusque là, l'apanage de Paul McCartney qui, lui, commence à bien être reçu. En 1973, c'est une période asez sombre qui démarre, pour Lennon. Il se frite un peu avc Yoko, le couple (qui a entre temps 'conçu' un pays imaginaire et totalement libre du nom de Nutopia, une de leurs nombreuses fantaisies sans intérêt et sans suite) décide de se séparer temporairement. Yoko reste à New York, Lennon part s'isoler à Los Angeles, où il va dès lors vivre une année et demi de débauche, alcool, drogues, soirées qui dérapent, mauvaises rencontres... le fameux Lost Weekend. Juste avant ce Lost Weekend au cours duquel il fera Walls & Bridges (1974) et son disque de reprises Rock'n'Roll (1975, enregistré en 1973/74), Lennon enregistre un disque qui sera, à sa sortie, plutôt froidement accueilli, et sur lequel Yoko, malgré sa présence au recto et verso de la très belle pochette, brille, musicalement parlant, par son absence : Mind Games. Une quarantaine de minutes (pour 12 titres, même si l'un d'entre eux est un morceau silencieux de 3 secondes, Nutopian International Anthem ; allez chercher à y comprendre quelque chose, vous...) qui passeront assez inaperçues en 1973 et sont encore aujourd'hui parmi les moins connues du binoclard, même si quelques chansons (deux ou trois) font partie des meilleures de Lennon.
Single
Soyons clairs, Mind Games (chouette titre, sublime pochette) n'est pas un grand album lennonien. Ce n'est pas non plus un mauvais cru. Pour tout dire, ce disque est un peu mineur, un peu moyen, mais il offre de grandes chansons et, en dépit d'une production assez maigre (on dirait du Phil Spector allégé ; c'est Lennon lui-même qui produit) et, aussi, de la présence de chansons vraiment fadasses (Only People, You Are Here, deux chansons dont je ne me souviens quasiment jamais des mélodies avant de les réécouter, ce qui en dit long...). Mais si l'album offre quelques trucs faciles comme les rocks gras Meat City et Tight A$ (au titre en double sens : Tight Ass, cul-serré) ou la mini-symphonie répétitive de Bring On The Lucie (Freeda Peeple) qui lasse pas mal au bout d'un moment, il offre tout de même des morceaux de choix : Out The Blue est une ballade/complainte de toute beauté, One Day (At A Time) est un régal délicieusement vaporeux (les choeurs) qu'Elton John, je crois, reprendra un ou deux ans plus tard (il fera partie des personnalités que Lennon cotoiera durant son Lost Weekend, avec les turbulents Harry Nilsson et Keith Moon, mais aussi Ringo, Bowie (vaguement)...), Aisumasen (I'm Sorry) est une lettre d'excuses de Lennon à Yoko, très belle, et, bien évidemment, comment ne pas citer Mind Games, qui ouvre le bal, une chanson mémorable, grandiose même, indéniablement le sommet de l'album et sa chanson la plus connue (je parle de l'album, pas de Lennon en général), une des rares chansons de l'album à se trouver sur les compilations de Lennon (et la seule de l'album à se trouver sur Shaved Fish, unique compilation sortie du vivant de Lennon, en 1975). Là, Lennon, vocalement parlant, touche au Très-Haut et se tape même sa frangine avec sa bénédiction urbi et orbi. Ce morceau est tellement anthologique qu'il en rendrait les autres grandes chansons de Mind Games, que je viens de citer, anodines. En plus, il ouvre l'album, l'air de dire on commence par le sommet, puis ça sera forcément moins bien. Précisons que la face A est meilleure que la B, qui, elle, offre les deux titres les plus fades, mais aussi Meat City, Intuition et I Know (I Know), ces deux dernières étant pas mal, surtout la seconde citée, mais pas transcendantes.
Mind Games a été enregistré avec une équipe quasiment nouvelle, autour de Lennon : David Spinozza (qui, en 1971, jouera sur le Ram de McCartney) à la guitare (Lennon aussi !), Ken Ascher au mellotron, Gordon Edwards à la basse, Jim Keltner et Rick Marotta aux batteries (surtout Keltner), Michael Brecker au saxophone (pas son frangin Randy, étonnant, ils jouaient souvent ensemble), Sneaky Pete Kleinow à la pedal-steel. Lennon joue aussi du piano, divers claviers, et, sous le nom de Dr. Winston O'Boogie, des percussions. A noter que le groupe est baptisé le Plastic U.K.Ono Band, Lennon n'a jamais rien fait comme tout le monde et a toujours baptisé ses groupes de noms abscons... L'album a été enregistré au Record Plant de New York. Sa pochette, très belle, représente un Lennon un peu paumé (ce qu'il était en 1973...) dans une étendue désertique vaguement oppressante et onirique, avec deux lunes dans le ciel et une montagne au visage de Yoko (au verso, c'est identique, mais avec un arc-en-ciel). En bas à droite, un idéogramme japonais, j'ignore sa signification. La pochette représente bien l'état d'esprit de Lennon à l'époque, et pas mal des chansons aussi, qui sont rarement guillerettes : I Know (I Know), Out The Blue, Mind Games, Aisumasen (I'm Sorry)... Dans l'ensemble, entre sa production assez simple (à noter que la première édition CD fut un massacre de remastérisation foirée, ça a été réparé en 2010), ses chansons un peu fantômes pour la plupart, et son Lennon un peu paumé et en perte de vitesse commerciale (1973 est une grande année pour les ex-Beatles, sauf pour lui...), Mind Games, incompris à sa sortie et toujours assez secondaire dans sa discographie, est un album un peu oublié, négligé, que ceux qui découvrent l'oeuvre solo de Lennon découvrent généralement sur le tard. C'est vrai, mieux vaut ne pas commencer par ce disque. Mais il ne faut pas le négliger non plus. Personnellement, je l'aime beaucoup. Avant, je l'adorais, ce n'est plus le cas, mais je l'aime cependant vraiment beaucoup. Un album sympa, secondaire, mais attachant. Walls & Bridges, le suivant, assez 'oublié' et critiqué aussi, sera mille fois meilleur, cependant.
FACE A
Mind Games
Tight A$
Aisumasen (I'm Sorry)
One Day (At A Time)
Bring On The Lucie (Freeda Peeple)
Nutopian International Anthem
FACE B
Intuition
Out The Blue
Only People
I Know (I Know)
You Are Here
Meat City