In heart I am a Moslem, in heart I am an American artist. - Babelogue.
Après un deuxième album globalement très mal reçu par la presse (qui avait été dithyrambique avec le premier album) en 1976, Patti Smith part en tournée, qui va donner lieu à un accident : elle tombe de scène, en 1977, elle se brise des vertèbres cervicales et va rester longtemps chez elle, en convalescence. Elle va avoir, alors, tout le temps de composer de nouvelles chansons. Notamment une faite en collaboration avec Bruce Springsteen, Because The Night. Le Boss, qui interprètera régulièrement cette chanson live, ne l'a jamais mise sur un de ses albums à lui, il faudra attendre 2010 et la sortie de son album The Promise (collection d'inédits des sessions 1977/1978 de son album Darkness On The Edge Of Town) pour avoir sa version studio de la chanson. Patti, elle, tout en l'interprétant également très régulièrement live, va la mettre sur un de ses albums. Plus précisément sur son troisième, sorti en mars 1978, baptiséEaster ("Pâques"), sorti après cette période de retrait pour se soigner. Notons que le Boss n'apparaît pas sur la version Patti, tout comme elle n'apparaît pas sur la version du Boss. Easter, sorti donc en 1978 sous une pochette qui fera jaser et occasionnera des railleries (les poils sur les aisselles), est le troisième album de Patti Smith. Il dure un petit peu moins de 40 minutes, pour 11 titres. Produit par Jimmy Iovine, c'est l'album le plus commercial, le plus accessible, son plus gros succès commercial aussi.
Kràl, Brody, Kaye, Daugherty
Patti a légèrement changé de musiciens pour ce disque : on a toujours Lenny Kaye le fidèle (guitare, choeurs), on a toujours Jay Dee Daugherty à la batterie et Ivan Kràl à la basse (et un peu guitare), mais Richard Sohl (piano) n'est ici présent que sur un morceau, Space Monkey (sur lequel Allen Lanier, claviériste du Blue Öyster Cult, joue aussi, des claviers). Pour le reste de l'album, c'est un certain Bruce Brody, qui ne restera pas longtemps (dès l'album suivant, au revoir !) qui officie aux claviers. Pouruoi l'absence de DNV (rappelons que c'était le surnom de Sohl) ? Il était malade, ce qui l'a empêché d'officier sur l'album. Brody s'en sort bien, il faut le signaler. Bon, sinon, Easter est un album pour lequel je vais peut-être avoir un peu de mal à parler. Pourquoi ? Parce que c'est mon préféré de Patti Smith, un album qui compte énormément pour moi (ce ne fut pas celui qui m'a fait découvrir Patti, ce fut Horses), un album exactement comme je les aime, rock mais aussi un peu pop, varié, super production, morceaux à tomber par terre... Revenue de loin (elle aurait pu se faire encore plus mal que ça, elle aurait pu finir paralysée, voire même y passer), Patti est, ici, tout du long, dans une forme olympique, et ce dès le premier morceau, Till Victory, morceau bien nommé tant il sonne, tout du long de ses 2,45 minutes, victorieux par avance. Chant héroïque. C'est l'éclate totale. Space Monkey, avec ses claviers chelous, avec ses (faux) cris de singes dans le final, est un rock assez tendu. Because The Night, sublime montée en puissance que l'on ne présente plus, suit. Puis L'enivrant Ghost Dance, chanté comme un mantra, une mélopée, We shall live again, we shall live again, morceau hypnotique. Puis, on en a quasiment sur tous les morceaux de Patti, une déclamation poétique, enregistrée live, Patti y est un peu essoufflée, elle bafouille un peu parfois tant elle scande, d'une voix saccadée, ce texte signé de sa main, Babelogue, riche en images assez étranges ("Je mesure le succès d'une nuit par la quantité de foutre qui s'écoule des amplis sur la scène"), elle est accompagnée tout du long de ce court morceau (1,25 minute) par les clameurs de la foule, et vers la fin, le groupe commence à jouer un rythme bien lourd qui plonge l'auditeur dans le morceau suivant, Rock'n'Roll Nigger. Ce morceau n'a pas été enregistré live, donc la jonction est plutôt bien foutue. C'est un rock endiablé, féroce, qui fera polémique à l'époque compte tenu que Patti use et abuse du mot 'nigger', qui fait partie des termes verbotenà la radio ou à la TV. Outside of society, that's were I wanna be...La face A s'achève sur ce morceau définitif.
La B s'ouvre sur une splendeur absolue qui s'ouvre sur une mélodie jouée à l'orgue électrique, assez religieuse (de son titre à plusieurs de ses morceaux, en passant par le texte situé dans le livret glissé dans la pochette et reproduit dans le CD, cet album regorge d'imagerie religieuse), mais qui passe assez rapidement à un rock bien nerveux s'achevant en apothéose, Privilege (Set Me Free). Le morceau se termine, il me semble, sur une prière tirée du Psaume 23. On passe à ce qui est probablement mon morceau préféré de l'album, We Three, morceau sur un triangle amoureux (histoire authentique ou imaginée par Patti, je ne sais pas, mais sans doute inspirée de la réalité), magnifique, rythmée par un piano entêtant, interprétée à la perfection, une petite brise de douceur avant un doublé de morceaux (en réalité un morceau en deux parties) qui va tout déchirer : 25th Floor et High On Rebellion. Riff mortel, chant énergique, hargneux d'une Patti survoltée, c'est endiablé, mouvementé, sanguinaire, mémorable. La seconde partie, du pur destroy, est une prolongation de la fin quelque peu jammesque et chaotique de la première partie, c'est à tomber par terre. Après ces 6 minutes 30 de magnifique bordel, l'album se finit sur Easter, morceau hypnotique, sublime, aérien, christique, religieux (je le rappelle, "Easter" est le mot anglais pour Pâques ; le morceau parle de la résurrection, du baptème, de la communion, du sang du Christ), sur lequel Patti est en état de grâce. Inoubliable et irréellement beau. A noter que le livret n'est pas en reste, avec une photo d'Arthur Rimbaud et de son frère, enfants, en communiants ; avec une citation biblique (I Have fought a good fight, I have finished my course (Deuxième Epître de Timothée 4:7) , une photo d'une crois faite avec des mains unies... L'album entier, même dans ses moments les plus rock (et il y e à de sévères !), possède une indéniable charge religieuse, ce n'est pas non plus trop lourd, ce n'est en rien prosélyte, mais c'est assez présent. Ce n'est en rien un reproche. On peut dire dans un sens que comme le October de U2, Easter est un album de rock chrétien. C'est surtout un chef d'oeuvre de rock, tout court, un des sommets d'une carrière qui, déjà, en 1978, est remarquable. Essentiel absolu.
FACE A
Till Victory
Space Monkey
Because The Night
Ghost Dance
Babelogue
Rock'n'roll Nigger
FACE B
Privilege (Set Me Free)
We Three
25th Floor
High On Rebellion
Easter