Vous y croyez ça, mais Catherine Ribeiro à commencé sa carrière au cinéma. On l'a notamment vue dans Les Carabiniersde Jean-Luc Godard. C'est d'ailleurs là qu'elle rencontrera Patrice Moullet qui, plus tard, aura une importance fondamentale pour elle, mais l'inverse est vraie également. Après ça, Catherine commencera à chanter, elle enregistrera une quinzaine de titres d'abord sur un petit label portugais et ensuite, chez Barclay. Ces disques, bien dans la mode pop française années 60 se vendront bien, mais Catherine tournera le dos bien vite à cette mode et prendra d'autres chemins. En 1968, elle tentera de se suicider et dieu merci, elle échouera. Ben ouais les mecs, on parle de Catherine Ribeiro là ! Si Sylvie Vartan ou Sheila avaient tenté de se foutre en l'air et auraient réussie leur geste malheureux, ça n'aurait pas été grave pour la chanson. Non, je ne suis pas méchant, c'est pas vrai d'abord. 1969 : telle est l'année qui va tout changer pour Ribeiro. Elle retrouve Patrice Moullet, lequel a fondé Alpes et s'associe avec lui. Dès lors Catherine et Alpes vont se faire un nom, avant d'être boycottés par les médias dès 1972. Mais, dîtes-moi... je parle, je parle, mais est-ce que vous connaissez Catherine Ribeiro, quasi clône français de Nico ? Tout dépend de vous en fait. Si pour vous le rock français ne tourne qu'autour de Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Téléphone ou encore Indochine (bruit de dégueulis) ou encore Kyo (bruit de dégueulis, deuxième édition et deux fois plus intense), alors vous n'avez aucune chance de la connaître. Par contre, si vous êtes un peu câlés en matière de rock frouze ou que vous êtes fouineur, vous avez forcément entendu parler d'elle.
Comme son nom l'indique, N°2 est le second album de Catherine Ribeiro et Alpes. Remarquez avec quelle fierté est affiché le nom du groupe. Ce qui sera le cas de tous les disques et surtout (Libertés ?).À noter que cet album, sorti en 1970, devra attendre 2012 et une sortie en CD pour être réédité en totalité, ce qui est franchement dégueulasse. Voyez-vous, rien qu'avec cette dernière phrase, je vous ai donné un gros indice sur la qualité de ce disque : il est géant, tout simplement. Cependant, il y a un truc, ou pluôt deux qui me chiffonnent : les deux Prélude qui, comme leur nom l'indique, sont placés en début de chaque face. Ces deux préludes sont des morceaux acoustiques uniquement joués à la guitare sèche et qui sont jolis, on ne peut pas dire le contraire, mais qui n'ont aucune utilité et qui, en plus, sont parfaitement identiques. Mais bon, à part ça les gars, accrochez-vous, ça va secouer grave. Le premier vrai morceau de ce disque, c'est Sîrba, qui est aussi le nom d'une danse folklorique roumaine. C'est Moullet qui se colle au chant. Enfin, pas vraiment au chant, Moullet se prête à des vocalises rocailleuses et éthérées soutenues par des notes obsédantes d'orgues avant de s'achever dans un tonnerre de cymbales. Ce morceau dégage comme une atmosphère de cérémonie avant un sacrifice. Très mystérieux, très troublant. 15 Août 1970 parle de quelque chose que Catherine connaît bien : le suicide. Cependant, aucun indice n'est donné sur qui est la personne dont l'histoire est racontée dans la chanson. Que de la guitare sèche pour cette plainte mélancolique, mais un très grand morceau. Si Sîrba est résolument mystérieuse, ce n'est rien à côté de Silen Voy Kathy. La dite Kathy ayant réellement existé. Encore une fois, peu d'indices sont donnés par le texte, mais à la limite, j'ai envie de dire qu'on s'en fout un peu. Écoutez un peu cette musique derrière... Écoutez cette guitare et ce cosmophone (invention made in Moullet) vif, éthéré et heurtéà mort. 7 minutes de folie.
Ballada Das Aguas est, quant à elle, chantée en portugais. C'est d'ailleurs la seule chanson que Catherine Ribeiro chantera en langue lusitanienne. On est en plein dans un fado sublime. Mais, clairement, il y a un morceau qui défonce tout sur ce disque et c'est volontaire de ma part que d'en parler en dernier : Poème Non Épique. Un morceau fleuve de plus de 18 minutes racontant la séparation d'un couple. Pendant plus de 7 minutes, le morceau instrumental, puis Catherine déboule et se met à déclamer un monologue en très grande partie improvisé lors duquel elle passe par toutes les émotions : elle vocalise, elle pleure, elle braille, elle se marre, elle gémit, elle halète. Bref, l'attirail complet y passe. Tout ça pour quoi ? Pour donner naissance à 18 minutes proprement phénoménales et je pèse mes mots. Rarement les émotions et les sentiments humains n'ont été vécus avec pareille puissance. Clairement, malgré les deux Prélude qui ne présentent aucune utilité, ce N°2 fait partie de ces trésors oubliés du rock français. Il vous le faut. Et je n'ai rien à vous dire de plus.
Chronique complémentaire de ClashDoherty :
MaxRSS avait abordé ce disque il y à 10 mois, presque jour pour jour. Et me voilà, comme un con, à essayer de rajouter quelque chose à son excellente et très complète chronique située un étage au-dessus. Mais comme j'ai abordé, récemment, le premier album de Catherine Ribeiro, et que j'ai comme intention de faire un cycle avec ses albums, je suis forcément obligé de rajouter mon grain de sel ici, en chronique complémentaire, et ça sera aussi le cas pour les deux albums suivants. Le premier album de Ribeiro (une chanteuse française, d'origine portugaise, tellement libertaire et engagée à gauche que Ferré, à côté, est conservateur) s'appelait Catherine Ribeiro + 2Bis, tel était le nom de son groupe à l'époque, nommé d'après l'adresse de leur local d'enregistrement francilien (à Nogent-sur-Marne). Elle et son ami musicien Patrice Moullet vont, sur les cendres de 2Bis, fonder un autre groupe, Alpes (avec Denis Cohen à l'orgue et aux percussions). C'est en 1970 que va sortir le premier album de Catherine Ribeiro + Alpes, album qui s'appelle N°2, parce que c'est peut-être le premier album avec Alpes, mais c'est surtout le deuxième album de Catoche la Bravoche, aussi simple que ça. 40 minutes après l'écoute de l'album (je veux dire par là que l'album dure 40 minutes, hein), on est sur le choc de ce que l'on a entendu, autant prévenir.
L'album n'offre que 7 titres. En fait, il n'en offre que 5, car, comme Maxou l'a dit plus haut, chaque face s'ouvre sur un Prélude de 29 secondes (chacun), morceau instrumental acoustique joli, mais qui passe trop vite pour qu'on le remarque. Mais l'album, sinon, contient un morceau en portugais, Ballada Das Aguas, adapté d'un air traditionnel arrangé par José Afonso, interprété donc en portugais, un fado sublime et déchirant. Ce morceau se situe en final sur l'album, juste avant les 18,35 minutes d'un Poème Non Epique renversant et totalement chtarbé, longue improvisation free sur laquelle Catherine, parfois, crie, rigole ou pleure (ou les trois en même temps), morceau qui se termine en apothéose psychiatrique/envoyez le jet d'eau glacée sur la patiente n°2. Par la suite, à deux reprises, Ribeiro et Alpes referont un morceau titré de la sorte, à chaque fois sur une face entière et d'une longueur de plus de 20 minutes. Cette chanteuse et son groupe ne sont pas des popeux à la gomme, qu'on se le dise. Sîrba, presque instrumental (des vocalises signées Moullet) est enivrant, met parfois mal à l'aise, c'est tellement étrange qu'on dirait que ça a été fait sur Pluton. 15 Août 1970 parle, comme Max l'a dit, de suicide, acte désespéré que Ribeiro a tenté un jour, en 1968. Elle ne parle pas de son suicide raté, donc, à moins que...qu'elle ait essayé encore une fois, à cette date ? Silen Voy Kathy est peut-être le sommet ici (Poème Non Epique est incroyable, mais sa longueur le rend quelque peu éreintant des fois), il faut écouter pour comprendre. N°2, dans l'ensemble, est tellement réussi qu'à côté, le précédent opus, pourtant très incroyable, semble fadoche. Si vous avez des oreilles aventureuses, il ne faut pas passer à côté ! Dire qu'à l'époque, le rock en France, c'était ce genre de productions totalement dingues... Maintenant, c'est Clara Luciani. Je veux une DeLorean avec convecteur temporel, les mecs !!!!
Face A
Prélude
Sîrba
15 Août 1970
Silen Voy Kathy
Prélude
Face B
Prélude
Poème Non Épique
Ballada Das Aguas