Cet album a eu droit à plein de pochettes différentes, que je proposerai, toutes, au fil de l'article. Déjà, si vous connaissez ce disque mais que vous ne l'avez qu'en CD, ou en réédition vinyle, vous devriez vous poser des questions, parce que le visuel du CD et de la réédition est une simple pochette noire, recto comme verso, avec le nom du groupe et de l'album en lettres arrondies rosâtres. Moche comme un programme politique d'extrême-droite, et aussi impersonnel que faire se peut. L'album, en Australie, à l'époque, et c'est le dernier visuel, a étéédité sous une pochette assez sympa représentant Un chien, l'air un peu penaud, un dessin. Mais la vraie pochette, représentée en poster dans la réédition vinyle, c'est la pochette ci-dessus : une sublime pochette dessinée représentant les membres du Band dispatchés devant et dans (pour Robertson) une petite salle de musique. Pourquoi cette magnifique pochette n'a t-elle pas été reproduite pour le CD (en artwork principal, je veux dire), c'est incompréhensable et improbible. Sinon, voici le temps de parler du sixième album du Band, et leur cinquième album studio, lequel a été enregistré dans la première partie de 1973 et est sorti en octobre de la même année, sous le titre de Moondog Matinee.
Court (35 minutes), Moondog Matinee sera, j'imagine, quelque peu défoncé par la presse à sa sortie. Il faut dire qu'il y avait de quoi : cet album n'offre en effet que des reprises. J'imagine que la presse devait s'en donner à coeur joie dans le registre ça y est, ils sont foutus. Après un album studio inégal et un live, place à un disque de reprises, le groupe n'a donc rien écrit de neuf. Certains membres du groupe, l'année précédente, furent occupés à bosser sur le (magnifique) premier album de leur pote Bobby Charles, ainsi que sur d'autres projets. Levon Helm, le batteur (et un des chanteurs) du groupe, expliquera Moondog Matinee de la sorte : c'est, à l'époque, tout ce qu'ils pouvaient faire, tellement ils étaient en bout de course. Tellement ils en avaient marre, surtout, du monde de la musique, de tout ce business, ils se sentaient baisés, en avaient marre, donc ils ne se sont pas foulé. Mais disque de reprises peut-être, mais c'est un bon, un très bon disque de reprises. Et un très bon disque tout court. J'ai toujours défendu Moondog Matinee, je le défendrai toujours. Ce n'est peut-être pas le meilleur du groupe (en fait, non, ça ne l'est pas), mais ce n'est pas leur moins bon, ce n'est vraiment pas un mauvais album. Le choix des reprises est là pour représenter leurs goûts musicaux et reproduire, quelque peu, leurs setlists des débuts, quand ils se produisaient, sous le nom de The Hawks, dans de petites salles, dans les années 60. Hormis pour un titre, instrumental : une reprise du thème du Troisième Homme, magistral film de Carol Reed, musique signée Anton Karas.
Le reste ? On a du Chuck Berry (The Promised Land), du Sam Cooke (A Change Is Gonna Come), du Fats Domino (I'm Ready), Allen Toussaint (Holy Cow), du LaVern Baker (Saved), Junior Parker (Mystery Train)... Morceaux de blues, rhythm'n'blues, soul ou rock'n'roll, ce sont à chaque fois des classiques que le Band a toujours adoré (et ils ne sont pas les seuls), et dont ils livrent ici des versions vraiment réussies (Mystery Train). On notera que sur deux titres (les deux ouvertures de face), ce n'est pas Helm (qui chante ces deux titres, d'ailleurs) qui est à la batterie, mais Billy Mundi, ancien membre des Mothers Of Invention de Zappa. Moondog Matinee est donc un bon album, un disque certes facile, et je peux totalement comprendre qu'on le trouve décevant, frustrant, après tout, c'est vrai que le Groupe ne s'est pas cassé le cul pour le faire, ils ont pioché une dizaine de titres qu'ils aiment, les ont repris, et c'est tout. Les fans, la presse, étaient en droit d'attendre un album avec de nouvelles chansons originales. Mais ça viendra, en 1975. En attendant, l'année 1974 sera chargée pour le Band qui enregistrera avec Bob Dylan l'album Planet Waves de ce dernier (ils y sont uniquement instrumentaux et accompagnateurs), et fera avec lui une tournée américaine conjointe immortalisée par Before The Flood. Deux albums sortis en 1974. En 1975, Dylan sort The Basement Tapes, double album proposant 24 des morceaux enregistrés par le Band et lui en 1967 (Robbie Robertson a par ailleurs quelque peu retravaillé certains morceaux en studio pour l'occasion). L'album suivant du Band sortira, donc, lui aussi en 1975, j'en reparle demain, même heure...
FACE A
Ain't Got No Home
Holy Cow
Share Your Love (With Me)
Mystery Train
Third Man Theme
FACE B
The Promised Land
The Great Pretender
I'm Ready
Saved
A Change Is Gonna Come