En 1973, Bob Dylan s'en va de Columbia Records (qui était quand même sa maison de disques attitrée depuis son premier album en 1962) pour passer sur un autre label, nettement moins connu que Columbia : Asylum Records. Fondé au début des années 70 par David Geffen (futur patron de Geffen Records, qui signera, dans les années 80/90, Nirvana, Neil Young, Sonic Youth, Guns'n'Roses...), le label s'est plus ou moins spécialisé dans la country-rock (les Eagles sont sur le label) et la pop adulte MOR - Middle Of the Road - type Jackson Browne. Geffen a, en 1974, fait un coup de maître, qui se soldera par un bide commercial, celui de signer Gene Clark, ancien membre des Byrds, pour un unique album, No Other, pour lequel il lui donnera un budget de nation triple-A. L'album ne se vendra pas bien du tout, et ne sera disponible en CD qu'à partir de 2003, il sera entre temps réhabilité, mais trop tard, Clark est mort en 1991, sans connaître le succès de son meilleur album. Mais reparlons de Dylan. En 1973, donc, Dylan va sur Asylum, c'est même probablement le meilleur 'coup' de ce petit label, que d'avoir signé le Zim'. Pourquoi Dylan est-il parti ? Envie de changer d'air. Il enregistre, fin 1973, avec le Band, un album studio qui sortira début 1974 sur Asylum, Planet Waves, un remarquable opus (disponible en CD sur...Columbia, qui a récupéré ses billes après coup !). Peu de temps avant, fin 1973, Columbia, en représailles certaines, a publiéDylan, un épouvantable album constitué de reprises, et toutes sont des chutes de studio des sessions 1970 de Self Portrait et New Morning. Entre Columbia et Dylan, en 1974, l'ambiance est à peu près aussi bonne qu'entre un chat furieux et un autre chat un peu trop joueur et inconscient des risques qu'il encourt.
Dos de pochette vinyle (un peu usée ! Pas la mienne)
Immédiatement après Planet Waves, Dylan entreprend une tournée américaine en collaboration avec The Band. Le groupe et Dylan jouent ensemble, chaque partie interprète ses chansons, et très vite, l'idée d'un live est proposée, et acceptée. Avec d'autant plus de bonheur que Dylan n'avait jusque là jamais sorti d'album live (la seule chose d'un tant soit peu live qu'il avait sortie était les morceaux live captés à l'île de Wight et présents sur Self Portrait, au nombre de 3 ou 4 parmi les 24 titres du double album). Le double album sort en juin 1974. Quelques mois plus tard, Dylan quitte Asylum et regagne Columbia. On peut dans un sens considérer son aventure Asylum comme une représaille envers Columbia, une petite bouderie sans conséquence (vu que Columbia a récupéré les albums par la suite, en rééditions vinyle et pour le futur CD) ; ou alors Dylan est vraiment girouette ! Ce double live, crédité comme il se doit à Bob Dylan & The Band (Planet Waves fut créditéà Dylan seul, même si The Band jouait sur tout le disque, sans rien composer, sans rien chanter, juste en groupe d'accompagnement ; mis à part la compilation The Basement Tapes, c'est même le seul album studio fait par Dylan et le Band au complet), s'appelle Before The Flood, et il est toujours double en CD (deux disques d'environ 45 minutes chacun, et, au total, 21 titres). La pochette recto montre la foule avec des briquets ou bougies allumées, bras tendus, dans la pénombre, dans un cadre marron fondé avec juste le nom des artistes. Au dos, le marron foncé, avec le nom de l'album, un bonhomme dessiné, avec un parapluie, bras tendu pour voir s'il pleut, et la liste des morceaux, plus les crédits. A l'intérieur de la pochette ouvrante, des photos prises live, de Dylan (chant, harmonica, guitare, piano) et de chaque membre du Band : Richard Manuel (claviers, chant, décédé depuis, et même le premier à partir), Levon Helm (batterie, mandoline, chant, unique Américain d'un groupe de Canadiens, décédé depuis), Garth Hudson (claviers, accordéon), Rick Danko (basse, chant, décédé depuis) et Jaime Robbie Robertson (guitare, chant). Le titre de l'album peut être une allusion au fait que jusque là, peu de bootlegs live de Dylan circulaient, et que l'inondation ('flood') de bootlegs sera peut-être évitée, ou quelque peu maîtrisée, par la sortie de ce live officiel ; c'est probablement aussi une allusion à un roman de Sholem Asch, un roman du nom de Farn Mabul ; Dylan connaissait personnellement l'auteur du roman, de confession juive comme lui, un Yiddish.
Intérieur de pochette avec les disques (là aussi, pas mon édition vinyle, qui est une originale Asylum ; ici, d'ailleurs, c'est une réédition Columbia/CBS des années 80, à voir le label)
Les morceaux ont été captés au cours de plusieurs concerts donnés en janvier et février 1974, au Madison Square Garden de New York, à Seattle, Los Angeles, Oakland et Inglewood. Bien que l'album Planet Waves venait alors de sortir (janvier 1974), aucune chanson de l'album n'est présente ici, il y en à pourtant des belles (Forever Young, Dirge, Going, Going, Gone, Something There Is About You) et Dylan en chantera quelques unes durant la tournée. On a, en revanche, une belle brochette de ses classiques : Knockin' On Heaven's Door, Lay, Lady, Lay, Like A Rolling Stone, Just Like A Woman, All Along The Watchtower, Highway 61 Revisited, It's Alright, Ma (I'm Only Bleeding) ou bien encore Ballad Of A Thin Man. Le Band, lui, nous offre aussi ses classiques, comme The Weight, When You Awake, Stage Fright, Up On Cripple Creek, The Night They Drove Old Dixie Down (leur meilleure chanson pour moi, enfin, une des plus grandes), le fameux I Shall Be Releasedécrit par Dylan... Si, dans l'ensemble, on a plus de Dylan que du Band ici (les faces A et D entières sont de Dylan, ainsi que la moitié de la face C ; le Band a l'autre moitié de la face C, et toute la face B, je parle des chansons et des voix, car le Band joue surtout le double live, sinon), le groupe est cependant bien représenté, et le live est, grosso merdo, assez équilibré. Enfin, c'est un album de Dylan accompagné du Band, après tout, et pas l'inverse. Entre Dylan et le Band, même si le Band fut un groupe très connu et appréciéà l'époque, y'à pas photo, Dylan explose tout en terme de popularité, de notoriété. Les 92 minutes de ce double live, remarquablement enregistrées, sont absolument quintessentielles, on tient même le meilleur live de Dylan (j'adore son suivant, Hard Rain, un live simple sorti en 1976 et assez chaotique, et j'aime aussi le double At Budokan de 1979, assez étonnant dans ses arrangements - deux albums mal-aimés en général -, mais Before The Flood reste le sommet). A noter, pour finir, que la durée des morceaux, créditée sur les galettes vinyle, est différente de la durée indiquée sur le livret CD ! Il y à facile 10 minutes de 'jeu' (en moins) sur la durée créditée en vinyle par rapport à la réédition. Je pense, personnellement, que c'est la durée des morceaux purs, sans les intros ou pauses entre les morceaux, qui sont créditées !
FACE A
Most Likely You Go Your Way And I'll Go Mine
Lay, Lady, Lay
Rainy Day Women #12 & 35
Knockin' On Heaven's Door
It Ain't Me, Babe
Ballad Of A Thin Man
FACE B
Up On Cripple Creek
I Shall Be Released
Endless Highway
The Night They Drove Old Dixie Down
Stage Fright
FACE C
Don't Think Twice, It's All Right
Just Like A Woman
It's Alright, Ma (I'm Only Bleeding)
The Shape I'm In
When You Awake
The Weight
FACE D
All Along The Watchtower
Highway 61 Revisited
Like A Rolling Stone
Blowin' In The Wind