Aujourrrrd'hui, camarrrrades, c'est du lourrrrrd (mode [accent russe de merde] off). Un album quasiment mythique, historique, dont tout le monde ou presque a au moins déjà entendu parler (à condition d'avoir au moins 25 ans). En 1988, Paul McCartney, alors en plein regain de popularité grâce à deux choses (son best-of All The Best de 1987, et la première, et à l'époque tant attendue et espérée, édition CD du catalogue des Beatles, en 1987/88), et ce, après le ratage consécutif de Pipes Of Peace (1983), Give My Regards To Broad Street (1984, film et album de bande originale) et Press To Play (1986), McCartney, donc, décide ce projet un peu fou, et totalement anticonformiste : faire un disque pour le marché soviétique, et rien que pour eux. Compte tenu, il le sait, qu'en URSS (car c'est bien évidemment encore l'URSS à l'époque, le bloc de l'Est ne tombera qu'en 1991) les Beatles avaient et ont toujours des fans, mais que ceux-çi ne pouvaient décemment écouter leurs albums pour des raisons politiques (rien de ce qui venait de l'Ouest n'arrivait à l'Est), ou alors, en cachette sur des copies de mauvaise qualité, McCartney décide d'enregistrer, directement pour eux, pour un label soviétique (Melodiya) via son propre label MPL, un disque. Ce disque, qui sortira en URSS en 1988 dans une version de 11 titres, puis de 13 titres, et qui sortira en CD, mondialement, en 1991 dans une version de 14 titres, ce disque, sorti sous une pochette rappelant (c'est voulu) un peu les affiches de propagande collectiviste soviétique des années 30/40/50, ce disque, c'est Choba B CCCP, titre russe signifiant Back In The U.S.S.R., l'allusion est logique.
Affiche promotionnelle pour la réédition 1991 de l'album
Surnommé le Russian Album par les fans, ce disque fera, on s'en doute, parler de lui, et pas qu'en bien, à sa sortie en 1988 (année où il ne sera disponible qu'en URSS, avant de débouler partout ailleurs trois ans plus tard), les journalistes du monde entier, enfin, du monde capitaliste, n'apprécieront globalement pas qu'un de leurs meilleurs artistes fasse un disque uniquement pour les cocos. Je n'ose imaginer ce que Le Figaro en a dit, si tant est qu'ils aient daigné en parler, mais j'imagine que L'Humanité fut plutôt sympa avc l'album (Libération, journal assez de gauche, ne le fut pas vraiment) ! Bien que sorti pour les Russes, sur un de leurs labels de musique, bien que sorti sous une pochette en russe (au dos, le long texte sur les morceaux est en cyrillique, ainsi que le nom de l'artiste et le titre de l'album, seule la liste des morceaux est en anglais), y compris les macarons de face, ce disque est chanté intégralement dans la langue de Shakespeare, et est entièrement constitué de reprises de vieux rock'n'rolls. Un peu comme le Rock'n'Roll de Lennon en 1975, et d'ailleurs, sur les 13 titres de Choba B CCCP (qui se prononce Snova V SSSR, au fait), trois se trouvent aussi sur le disque de reprises de Lennon : Just Because (que Macca reprend de manière nerveuse, par rapport à la version lennonienne), Ain't That A Shame et Bring It On Home To Me (que Lennon reprenait dans un court medley avec Send Me Some Lovin'). Parmi les reprises, on dénombre Kansas City, déjà repris par les Beatles en 1965 (sur Beatles For Sale) via le fameux Medley : Kansas City/Hey, Hey, Hey, Hey. On note aussi Summertime, morceau de Gershwin issu de son opéra contemporain Porgy And Bess, popularisé par Miles Davis, Janis Joplin ou Billi Holiday, pas un rock'n'roll, mais un morceau assez jazzy (et cette reprise est assez fidèle au style de la chanson, ce n'est pas une reprise nerveuse). Le CD international 1991 propose, en quatrième position, I'm In Love Again de Fats Domino.
Loin des orfèvreries des Beatles ou de certains de ses abums solo, Macca livre ici un disque brut de décoffrage, enregistréà l'arrache (la production est très bonne, à l'ancienne, mais rien de chatoyant, de recherché), le plus souvent il doit s'agir ici de prises uniques ou presque. Les musiciens sont Henry Spinetti (batterie), Chris Whitten (idem), Mick Green (guitare), Mick Gallagher (claviers) et Nick Garvey (basse), Macca tient, de son côté, basse et guitare (et la production). La photo de pochette est issue de la pochette intérieure de l'album Ram (1971), photo qui fut prise par Linda McCartney. Choba B CCCP est un disque ultra efficace, du bon vieux rock'n'roll à l'ancienne, Eddie Cochran, Fats Domino, Elvis Presley, Little Richard, Sam Cooke, Bo Diddley, ils sont tous là ou presque sur ce disque de reprises qui n'a rien à envier à celui de Lennon. Si le disque fut controverséà sa sortie, et critiqué, c'est à cause du fait qu'il était destiné aux Russes, et pas pour son contenu musical, qui est, vraiment, excellent, environ 47 minutes (dans sa version vinyle 13 titres, que je possède) de pur bonheur pour fan de rock brut de pomme, sans fioritures, histoire de rappeler que toute la musique qu'on aime, c'est ça, du bon vieux rock'n'roll. Un an plus tard, Macca reviendra en force avec un Flowers In The Dirt majestueux, à la fois pop et rock. Mais ce Choba B CCCP est déjà un beau retour en force, bien que limité géographiquement à l'URSS pour l'époque ! A noter qu'en 1999, Macca récidivera dans le disque de reprises de vieux rock'n'rolls avec Run Devil Run.
FACE A
Kansas City
Twenty Flight Rock
Lawdy, Miss Clawdy
Bring It On Home To Me
Lucille
Don't Get Around Much Anymore
I'm Gonna Be A Wheel Someday
FACE B
That's All Right Mama
Summertime
Ain't That A Shame
Crackin' Up
Just Because
Midnight Special