Vérité sacro-sainte, inaltérable, inamovible dans le monde de la musique enregistrée, et du rock en particulier : faire un premier album, c'est difficile. Toujours. Manque de moyens financiers, difficultés à trouver un studio, un producteur, une maison de disques, dees techniciens pour bosser sur le disque, sans oublier la trouille de se dire qu'on va enregistrer un disque pour la première fois, et qu'on se demande bien comment il sera accueilli. Après, que le premier album soit une réussite (Led Zeppelin, Chicago Transit Authority, Electric Light Orchestra, Oasis) ou un ratage (Bob Dylan, Radiohead, Midnight Oil), le cap est passé, le disque est fait. Mais c'est là que déboule l'autre grande vérité sacro-sainte, inaltérable et inamovible du rock : le deuxième album est encore plus dur à faire. Il faut essayer par tous les moyens de faire mieux que le premier opus, et cette tâche est encore plus difficile à accomplir quand le premier album fut réussi. Certains ont réussi à faire mieux (tous ceux que je viens de citer, en fait), d'autres se sont un peu vautrés (le deuxième opus des Rolling Stones n'est pas terrible, idem pour les Stone Roses et Aerosmith, notamment). Tous peuvent le dire : le deuxième album, putain, c'est l'enfer en studio. Pourquoi cette introduction ? Parce que voici les Pretenders, et leur deuxième album, logiquement appeléPretenders II. Et s'il y à bien une chose à dire au sujet des Pretenders, ce groupe de rock anglo-américain (chanteuse américaine, reste du groupe britannique) fondé en 1979, c'est que leur premier opus, Pretenders, sorti en 1980, est une des plus étincelantes tueries pop/rock jamais pondues depuis que le rock existe.
Farndon, Chambers, Hynde, Honeyman-Scott
Je ne vais pas revenir ici en grands détails, mais ce premier album offre quand même une bagatelle de grandes chansons qui, aujourd'hui encore, restent intouchables, bluffantes, parfaites : Mystery Achievement est même probablement, en concurrence avec le Nineteen Hundred And Eighty-Five des Wings, la meilleure conclusion d'album jamais faite. Lovers Of Today, Private Life, Brass In Pocket (toutes sur la face B), Precious (et son baby, fuck off ! anthologique), Up The Neck, l'incroyable instrumental Space Invaders, la magnifique reprise du Stop Your Sobbing des Kinks (Chryssie Hynde, chanteuse et guitariste rythmique des Pretenders, fut un temps mariée avec Ray Davies, leader des Kinks), le fulgurant et incompréhensible (les paroles !) The Wait, autant de grands moments sur un album alignant 47 minutes de pur bonheur, 12 titres et quasiment autant de monuments. Le groupe est constitué, outre de Chryssie Hynde (originaire d'Akron dans l'Ohio, ayant vécu le carnage de la Kent State University en 1970, ex-vendeuse du magasin Sex de Malcolm McLaren et Vivienne Westwood, ancienne rock-critic et petite amie de Nick Kent, ancienne chanteuse éphémère du groupe de glam-hard-rock français les Frenchies après le départ de leur premier chanteur Jean-Marie Poiré - oui, le même Poiré) au chant et à la guitare rythmique, de Martin Chambers à la batterie, Pete Farndon à la basse et James Honeyman-Scott à la guitare et aux claviers. Après le succès de leur premier album, le groupe ne chôme pas, et file en studio pour y accoucher des 12 titres (pour une durée équivalente à celle du premier opus) de Pretenders II. Sous sa classieuse pochette montrant le groupe bien fringués, l'album est très réussi, et offre de grandes chansons, mais, hélas, il ne parvient pas à restituer la magie du premier opus. Il faut dire qu'il y à, sur le premier album, une sorte d'urgence, de frénésie, propre aux premiers opus. Celui-ci est plus sage, malgré qu'il démarre sur deux furies assez provocatrices : The Adultress et Bad Boys Get Spanked ("Les mauvais garçons se font fesser"). Offrant lui aussi une reprise des Kinks (I Go To Sleep), Pretenders II est dans l'ensemble un album plus pop que rock (le premier album, lui, c'était le contraire).
Avec ce deuxième opus, le groupe apporte la preuve que faire un deuxième album, surtout après avoir aussi bien réussi son premier, est difficile. Malgré tout, ce disque est vraiment excellent, et on y trouve de pures merveilles : Bad Boys Get Spanked, The Adultress, Message Of Love, Day After Day, The English Rose (probablement ma préférée ici) et les très simplistes et directs Louie Louie (aucun rapport avec le standard du même nom popularisé par les Kingsmen) et Pack It Up. Chryssie chante toujours aussi bien, quelle voix, impossible de ne rien ressentir, et surtout de ne pas ressentir de l'amour pour elle quand on l'entend chanter, que ce soit des petites douceurs (Birds Of Paradise) ou des trucs plus nerveux. Le groupe derrière elle, aussi inchangé que leur producteur (Chris Thomas, qui produira aussi l'album suivant, Learning To Crawl de 1984, qui est génial), assure à fond. Selon la légende, c'est Lemmy, le chef des Huns de Motörhead, qui aurait fortement conseilléà Chryssie, alors en recherche de musikos pour monter un groupe (en 1978/79 donc), de les engager. Elle peut vraiment le remercier. Hélas, la fatalité va, après ce deuxième album, s'abattre sur les Prétendants : coup sur coup, en 1982 (le 16 juin) et 1983 (14 avril), deux des membres du groupe vont mourir, d'overdose. D'abord Honeyman-Scott, puis Farndon (avec qui Chryssie fut, un temps, très proche). Amputée de la moitié de ses membres, la formation de Chryssie, on s'en doute, mettra du temps à s'en remettre, ce qui explique évidemment que le troisième album du groupe ne date que de 1984, pas avant... Pretenders II, dont la réputation n'a cessé de s'améliorer avec le temps (la réception, en 1981, fut un peu compliquée, la comparaison avec le premier album ne pouvant aller qu'au désavantage du deuxième opus, tant Pretendersétait, et est toujours, monstrueux), est donc le dernier album sorti par le groupe originel, qui reste la meilleure formation des Pretenders. Il faut un peu de temps pour vraiment s'y accrocher, mais au final, ce deuxième opus, bien que très nettement moins réussi que le premier, n'en demeure pas moins une pure petite merveille et un des meilleurs albums du groupe. Juste avant que la Faucheuse ne vienne foutre sa merde, en bonne grosse connasse qu'elle a toujours été, dans cette belle cohésion musicale...
FACE A
The Adultress
Bad Boys Get Spanked
Meessage Of Love
I Go To Sleep
Birds Of Paradise
Talk Of The Town
FACE B
Pack It Up
Waste Not Want Not
Day After Day
Jealous Dogs
The English Rose
Louie Louie