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Voici un disque assez particulier, pour Black Sabbath. Son titre découle fortement de l'ambiance qui régnait autour du groupe à l'époque de son enregistrement : en 1973/74, le groupe sera victime de pas mal de petits procès, aura quelques emmerdes juridiques et pénales (leur légendaire usage de came n'y est pas pour rien, mais n'est pas la seule raison). La gestion du groupe est dirigée par un certain Don Arden, lequel n'est autre que le futur beau-père d'Ozzy Osbourne, chanteur du groupe, qui, par la suite, a marié non pas la Denise, comme dans la chanson de Brel, mais la Sharon, ce qu'Arden aurait, entre parenthèses, moyennement apprécié. Mais ce mariage non désiré par Arden (et ayant tenu le coup, car sauf erreur de ma part, Ozzy et Sharon sont toujours ensemble) n'y est pour rien dans les emmerdes que Black Sabbath a connues en 1973/74, car il n'avait pas encore eu lieu. Ca aurait sans doute été pire, le cas échéant. Il semblerait que Don Arden s'y prenait plutôt mal pour gérer le budget du groupe, ce qui n'a pas échappé au fisc, bla bla bla... L'enregistrement de cet album sorti en 1975, leur sixième (et, autant le dire tout de suite, le dernier grand disque de la période Ozzy du groupe - jusqu'au remarquable disque du retour de 2013, 13 - laquelle période est plus proche de sa fin que de son commencement en 1975), sera émaillé de problèmes, d'ennuis divers. Ozzy affirmera que le groupe recevra tellement de coups de téléphone que Bill Ward, leur batteur, était quelque peu devenu leur secrétaire, c'est toujours lui qui répondait (sans doute parce qu'il était le plus zen des quatre ? Je dis ça, mais je n'en sais rien, c'est une hypothèse). Le groupe ne cessait, aussi, de recevoir des convocations et autres mises en demeure, ce qui occasionnera une des chansons de l'album, The Writ (dont le titre signifie, justement, mandat, généralement au sens judiciaire). Tony Iommy (guitariste) dira que selon lui, l'atmosphère autour du groupe, les différentes embrouilles qu'ils se traînaient au cul, etc, semblaient vouloir saboter leur musique, leur fuur album. D'où, donc, le titre de ce sixième opus : Sabotage.
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Bill Ward (batterie), Geezer Butler (basse), Ozzy Osbourne (chant), Tony Iommy (guitare)
Un titre qui résume bien la situation, tout en étant aussi un petit jeu de mots avec le nom du groupe (SABotage, Black SABbath), ce qui était déjà le cas du titre de leur précédent opus, Sabbath Bloody Sabbath (1973). Ce précédent opus fut un succès, mais il marquera les fans, qui, pour une fois, seront divisés. Les précédents opus étaient féroces, heavy (normal, on parle de heavy metal, ici), avec parfois une ou deux ballades comme Changes, Planet Caravane, Solitude, l'instrumental Laguna Sunrise... Mais, dans l'ensemble, des trucs lourds, comme Into The Void, Snowblind, War Pigs. Avec Sabbath Bloody Sabbath et sa pochette sur la dualité de l'Homme (au recto, un homme en train de mourir, dans son lit, piégé par des démons dans un décor assez infernal, teintes orangées ; au verso, le même homme, en train de mourir, confortablement allongé dans son même lit, entouré des siens et d'anges, teintes bleutées), le groupe a osé expérimenter un tantinet, il engagera Rick Wakeman, claviériste de Yes, pour un titre (Sabbra Cadabra), et pour une grande partie du reste de l'album, les membres du groupe s'essaieront eux-mêmes aux claviers progressifs. Bien qu'offrant de grands moments heavy (la chanson-titre, Killing Yourself To Live qui semble avoir inspiré le grunge, A National Acrobat), l'album offre aussi Fluff, instrumental acoustique à base de guitare sèche et de...harpe ; et Spiral Architect, grande finale progressive avec violons fantômes (selon les crédits). Sans oublier le très étrange Who Are You, quasiment entièrement constitué de claviers. L'album interpellera les fans (ce n'est que par la suite qu'il deviendra leur préféré en général, il est aujourd'hui considéré comme leur meilleur), et le groupe sentira qu'il leur faudra revenir aux bases avec le suivant. Sabotage, en effet, sera un petit retour aux sources.
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En 43 minutes environ (pour 8 titres), Sabotage aligne quelques unes des chansons les plus féroces et violentes du groupe pour l'époque. Sous une pochette qualifiée encore aujourd'hui d'une des pires de l'histoire du rock. Reconnaissons qu'elle est...particulière. On y voit les quatre membres du groupe, posant devant un gigantesque miroir richement ouvragé qui les reflète non pas de dos, comme n'importe quel miroir normalement constitué, mais tels qu'ils sont, de face (et au dos de pochette, voir ci-dessus, c'est pareil, mais inversé : se mettant face au miroir, ils se voient de dos !). On a aussi un peu de fumée vers le bas de pochette. Mais ce qui a fait dire, et continue de faire dire, que la pochette est une des plus moches et ratées qui soient (une pochette, pour faire une allusion au titre de l'album, sabotée), ce sont les tenues des membres du groupe. Pour Geezer et Iommi, passe encore. Pour Ozzy, c'est une sorte de longue robe/toge noire avec des fleurs, mais là aussi, passe encore, on parle d'Ozzy, après tout ; enfin, c'est quand même ridicule. Ward, lui, porte des collants rouges appartenant à sa femme, torse nu sous sa veste de cuir ! Selon la légende autour de la photo, rien ne fut dit sur les tenues que le groupe devait porter le jour de la prise de poto, aussi une sorte de grand n'importe-quoi s'est installé... L'album est génial, mais ce n'est pas grâce à cette pochette ! OK, ce n'est pas la pire du groupe (pires sont celles de Paranoid, Technical Ecstasy, Never Say Die !, Live At Last et Born Again, cette dernière étant d'un goût très douteux, et marquant les esprits), mais après la beauté de celle de Sabbath Bloody Sabbath, ça choque un peu. Musicalement, en revanche, quelle bombe ! L'album, je l'ai dit au début de ce paragraphe, offre des chansons comptant parmi les plus féroces du groupe, comme son ouverture, Hole In The Sky. Riff de la mort, rythmique déchirante, un Ozzy en grande forme glapissant ses paroles (I'm lookin' thru a hole in the SKYYYYYY-YYYYY !!!), le morceau ne laisse aucun répit à l'auditeur et s'achève ultra-brutalement, en plein riff, pour laisser à place à un instrumental de 50 secondes intituléDon't Start (Too Late). Morceau calme, très calme, TRES calme, ce qui, après la furie de Hole In The Sky, surprend, et même (Black Sabbath, on commence à les connaître, hein ? Prenez Fluff, cette petite sonatine pour harpe de 1973, calme comme une pluie estivale ; il ne s'y passe rien de violent ou d'oppressant durant ses 4 minutes, mais quand on l'écoute pour la première fois, on est comme oppressé, inquiet, en se demandant si le morceau va exploser, et si c'est le cas, quand il va le faire ; ça paraît trop calme pour du Sabbath) inquiète. Que va-t-il se passer après ? Sans prévenir, un bon gros riff bien doom surgit, Symptom Of The Universe démarre, morceau considéré après coup comme prémonitoire du futur thrash-metal. Le fond de commerce de Metallica et Megadeth en 6 minutes et des poussières, et en 1975 ! Morceau surprenant avec sa conclusion vaguement...jazzy, c'est, sinon, un des plus violents de l'album, Ozzy est en mode viens pas m'faire chier où tu boufferas ta tronche par le cul. Tony Iommi dira par la suite que le côté très hargneux, sombre et violent de Sabotage découle, comme son titre, de l'ambiance de merde qui planait autour du groupe. Megalomania, quasiment 10 minutes achevant la face A, arrive ensuite, et ce morceau, en revanche, est une sorte de carte postale sur le groupe à l'époque. Entre prétentions inavouables des membres, grandiloquence, réputation à tenir, etc, ce morceau est, en quelque sorte, le reflet (plus précis et fiable que le reflet du miroir de la pochette, ah ah !) de ce que le groupe était à l'époque. Rien que le titre et sa longueur en disent long. Pas forcément le meilleur de l'album (il est trop long, justement), Megalomania n'est pas pour autant le moins réussi, et c'est un morceau qu'on prend plaisir àécouter. Il n'y ont pas été avec une demie-molle, cependant, pour le coup.
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Thrill Of It All, qui ouvre la face B, est une autre tuerie à la Hole In The Sky, elle remet l'auditeur à genoux pour cette ouverture de seconde face. Un morceau gigantesque, qui laisse la place à un instrumental bien étrange, Supertzar. Rien que son titre est chelou, mais le morceau, avec ses choeurs virils et soviétiques (on croirait les Choeurs de l'Armée Rouge parfois, mais ce n'est évidemment pas le cas), sa guitare étonnante et ses claviers, sonne assez progressif, c'est de loin le titre le plus à part de Sabotage. Pas le meilleur, pas le moins bon, qui est, lui, le suivant, Am I Going Insane (Radio). Le titre du morceau sera source d'étonnement et d'interrogations de la part des fans, qui croiront qu'il existe d'autres versions de la chanson, et que celle-ci, celle de l'album, serait une version éditée pour la radio. Il n'en est rien, il n'y à qu'une seule version, celle-ci, et le sous-titre entre parenthèses est une allusion à la maladie mentale, un terme argotique. Assez pop dans l'âme, la chanson, calibrée pour la radio (si on peut dire ça d'une chanson de Black Sabbath ; mais cette chanson ne ressemble pas trop à du Sabbath), est la moins bonne en cela qu'elle est, après quelques écoutes, assez irritante. Ce n'est pour autant pas une chanson honteuse du tout. Elle se termine par des rires de cinglés, de fous, des rires quelque peu inquiétants, qui se fondent dans The Writ, 8,15 minutes (en réalité, 8,45 minutes, car ses trente dernières secondes sont occupées par un morceau bonus, caché et enregistré très faiblement, non crédité) agressives au possible (le chant d'Ozzy ! Les paroles !), semblant fortement faire allusion aux déboires que le groupe a connus durant la gestation de Sabotage (voir le début de l'article pour le terme writ). Une conclusion frappante pour un album comptant assurément parmi les sommets du groupe. Et le dernier grand disque (13 non compris) de l'ère Ozzy Osbourne, les deux albums suivants, Tecnical Ecstasy en 1976 et Never Say Die ! en 1978, étant tout bonnement immondes, surtout le second. Après ces deux contre-performances, Ozzy s'en va, remplacé par Ronnie James Dio (issu de Rainbow) qui, le temps de trois albums (dont le live Live Evil), va réussir à s'imposer : Heaven And Hell et Mob Rules, les deux disques studio qu'il a faits avec le groupe, sont en effet remarquables. Puis il s'en va fonder son groupe (Dio), et Black Sabbath engage Ian Gillan, de Deep Purple, en 1983, pour Born Again, le mal-aimé (et mal produit) mais pourtant excellent unique album de cette formation décriée du groupe. Après, si ce ne sont les réussites que sont le retour de Dio en 1992 (Dehumanizer), la reformation live du groupe originel (Reunion, 1998) et le retour de cette même formation, moins Bill Ward, pour 13 en 2013, après, ben, mieux vaut éviter de trop s'étendre dessus...
FACE A
Hole In The Sky
Don't Start (Too Late)
Symptom Of The Universe
Megalomania
FACE B
Thrill Of It All
Supertzar
Am I Going Insane (Radio)
The Writ