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"The End..." - Nico

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Lu une fois dans un article d'époque (de Lester Bangs, dans une anthologie de ses textes), un article baptisé"Les suprémacistes du bruit blanc" et dans lequel il s'en prenait aux racistes du rock, des extraits d'interviews de Nico, qui avait eu apparemment des mots franchement dégueulasses sur les Afro-Américains, traitant les Noirs d'animaux, etc, etc, etc... L'écoute de cet album, sorti en 1974, son quatrième, et la pensée de ces déclarations inexcusables peuvent dont prouver qu'on peut être une lamentable conne tout en offrant la plus belle des musiques. Cmme Nico était une junkie notoire, ça peut expliquer pas mal de choses, mais pas tout. Fin de la digression, retour à la musique. The End... est sorti en 1974, et malgré son titre, n'est pas le dernier album de Nico (ceci dit, elle n'en fera plus beaucoup par la suite, The Drama Of Exile, Camera Obscura, quelques albums live - Behind The Iron Curtain, live en Pologne -, c'est tout), mais juste son quatrième opus. Son premier depuis Desertshore en 1970, ceci dit. Suite au succès inversement proportionnel à la réussite de Desertshore (et il est très réussi, très très réussi), Nico quitta (ou fut virée de) son label Reprise Records. Elle signera sur Island Records, label sur lequel, à la même époque, signera John Cale, qui, encore une fois (son album suivant, The Drama Of Exile, en 1980 ou 1981, sera son seul sans Cale), collabore activement à l'album. Cale qui, avant ça, était sur Reprise, comme Nico. En 1974, Cale sort son Fear, sur lequel collaborent Brian Eno et Phil Manzanera (guitariste de Roxy Music). Ces deux musiciens collaborent activement sur The End... de Nico (qui, elle, n'apparaît pas sur Fear). La même année, un concert (qui donnera lieu à un album live) sera fait, conjointement, par Eno, Cale, Nico et Kevin Ayers (membre originel de Soft Machine, qu'il quittera après le premier album du groupe). 1974 est aussi l'année du fameux concert que Nico donnera dans la cathédrale de Reims, concert disponible sur quelques bootlegs et semi-bootlegs, et qui apparemment fait partie des concerts légendaires de l'époque. Bref, 1974 est une année importante pour Nico. Et l'album qu'elle va publier en cette année est un des meilleurs de sa carrière (laquelle carrière n'est vraiment pas négligeable du tout). Long de 41 minutes pour 8 titres (ça change de la petite demi-heure des deux précédents !), The End... est sorti sous une pochette noire dotée de deux photos (recto et verso) de Nico, photos issues du film de Philippe Garrel Les Hautes Solitudes. Garrel était son compagnon à l'époque. Le film, je l'ai vu il y à longtemps, est un documentaire de fiction sur l'actrice Jean Seberg, Nico y joue un petit rôle, et le film est en noir & blanc. Soit les photos ont été colorisées, soit elles ont été prises sur le tournage.

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Verso de pochette vinyle (pas une photo perso, j'ai pas le vinyle)

Comme tout le monde s'en fout, je vais continuer à parler de la musique. L'album est plus 'moderne' que les précédents, au-revoir les ambiances médiévales gothiques de The Marble Index et Desertshore. Nico y chante toujours de sa même voix sépulcrale et dotée d'un inimitable accent schleu, et elle s'accompagne toujours de son harmonium de compète, mais cette fois-ci, on a la guitare électrique de Phil Manzanera, la basse et la guitare de John Cale, et surtout, les synthétiseurs et bidouillages d'Eno. Ce dernier s'est fait plaisir, notamment sur Innocent And Vain, sans doute le plus angoissant, flippant, jusquauboutiste des 24 morceaux présents sur les trois albums que Nico a fait de 1969 à 1974. En un peu moins de 4 minutes, l'alchimie Nico/Eno/Cale nous offre de la pure angoisse. Ca commence par des cris stridents et synthétiques, petits bidouillages du style 'freinage brusque d'une craie sur un tableau noir', avant de céder quand même très rapidement la place à la chanson, interprétée so(m)brement par Nico, accompagnée de son mortifère harmonium. Ecouter ce morceau le soir, dans la pénombre, peut transformer n'importe quel lieu, même le plus cosy et accueillant, en antichambre de l'horreur. Surtout si vous écoutez ça au casque, ou à un volume relativement élevé. Environ une minute avant la fin, la chanson cède le pas, brusquement, aux bidouillages d'Eno, les mêmes que ceux entendus au début, mais ici répartis sur une cinquantaine de secondes assez proprement insoutenables (imaginez que pendant 50 secondes, vous faites crisser un vinyle en pleine écoute, comme un vulgaire DJ de night-club, et que ce vinyle vous hurle dessus d'une voix stridente pour protester, et si jamais vous arrivez à imaginer pareille chose, parce que c'est pas donné, dites vous bien que vous serez encore loin du résultat final). La première fois que j'ai écouté l'album, en CD, je pensais que mon CD déconnait. Après vérification sur le Net (YouTube, notamment), je me suis rendu compte que non, le morceau est bien conçu ainsi. C'est probablement mon préféré de l'album en raison de son côté totalement barge, j'ai jamais entendu ça ou presque. J'imagine la tronche des acquéreurs de l'album en 1974. Et je souris.

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Elle devait très certainement être déjà bien héroïnomane quand cette photo fut prise...

Secret Side est une splendeur majeure, impossible de ne pas frissonner en l'écoutant tellement c'est beau. We've Got The Gold, Valley Of The Kings et It Has Not Taken Long sont incroyables de maîtrise et font parfois froid dans le dos. L'album tire son nom des 9,30 minutes (la moitié de la seconde face) de la reprise du The End des Doors, que Nico a très certainement voulu reprendre pour rendre hommage à Morrison, avec qui elle a un temps eu une aventure (You Forgot To Answer, sur la face A, est en hommage au Roi Lézard aussi ; à noter que les éditions CD, sauf la plus récente, de l'album fait finir ce morceau 10 secondes trop tôt, d'où le final abrupt ; je parle de You Forgot To Answer, hein, pas The End). Cette reprise est encore plus sombre que l'original, ce qui est un exploit, et je la trouve, personnellement, supérieure, aussi, arrêtez de taper, je ne m'excuserai pas. Sépulcrale comme une messe noire, cette chanson est, dans cette version, sublimée au possible dans ce qu'elle a de plus glauque et sombre. Quand Morrison chantait The west is the best, on souriait en se disant charabia hip de San Francisco. Quand Nico chante cette même phrase, on ne peut s'empêcher de frissonner comme si quelqu'un avait fait baisser la température de 20 degrés. L'album se termine sur une chanson en allemand, Das Lied Der Deutschen, tout simplement l'hymne national allemand, Deutschland, Deutschland über alles, über alles in der weldt. Et là, gros scandale, polémique, on s'insurge, car la Teutonne a osé chanter l'hymne dans sa totalité. Composé en 1841, les trois premiers couplets étaient l'hymne pendant la République de Weimar (qui a pis fin au momen de l'arrivée au pouvoir de Hitler). Le premier couplet seul, dont je viens de donner la première phrase ('L'Allemagne par-dessus tout, par-dessus tout dans le monde entier'), fut chanté en tant qu'hymne de l'Allemagne nazie. Après cette sinistre période, on décidera que seul le troisième couplet sera officiellement l'hymne allemand, c'est le seul dans lequel on n'a pas d'allusions à la race allemande et la supériorité de celle-ci dans le reste du monde. Mais Nico a chanté l'hymne au complet, ce qui, pour l'Allemagne, surtout venant d'un de ses ressortissants, un affront, une injure, un manque de tact (euphémisme...) absolus. Ce qui ramène un peu à mon début de chronique et en dit long sur les idées qui cavalaient dans la tête de la chanteuse. Cet aspect un peu glissant de la personnalité de Nico transpire donc dans le final de cet album, ce qui est toujours un peu gênant, mais il n'empêche que malgré cela, The End... est un grand album, difficile, sombre, austère, mais un grand album (de plus) et une fin parfaite pour la trilogie avant-gardiste entamée en 1969.

FACE A

It Has Not Taken Long

Secret Side

You Forget To Answer

Innocent And Vain

Valleys Of The Kings

FACE B

We've Got The Gold

The End

Das Lied Der Deutschen


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