Je suis fan de rock progressif, ce qui veut dire que j'aime Genesis, Yes, Emerson, Lake & Palmer (ceci dit, pour ces derniers, uniquement jusqu'au triple live mégalomaniaque de 1974, après, je déteste ce qu'ils ont fait), Gentle Giant, Gong, Caravan, et évidemment King Crimson et Pink Floyd qui sont pour moi dans le très haut du panier. En France, on a eu des progueux aussi (certains classeraient Magma dans ce genre ; je dis : non), comme les Moving Gelatine Plates, Gong (en partie un groupe français, que j'ai déjà cité plus haut), et certains artistes ont fait, le temps d'un album, du prog : Nino Ferrer avec Métronomie, par exemple, voire, dans un sens, Manset avec 2870. Mais clairement, le groupe majeur de la scène progressive francaouise, c'est Ange. Ces franc-comtois (originaires du Territoire-de-Belfort) avaient (ils existent toujours, en même temps) tout l'arsenal : pochettes dessinées et riches, concepts, paroles enlevées sur des thèmes médiévaux, mythologiques ou fantaisistes, arrangements riches avec moult flûtes, morceaux à rallonge et parfois même, des suites de morceaux... On aime ou on déteste, et je sais qu'Ange est bien souvent la proie de ses détracteurs, sur le Net, comme Yes, ELP, Genesis ou, dans un autre registre (la pop), Toto et U2. Je serai clair : Ange n'a jamais été un groupe culte, en ce qui me concerne, je n'en suis pas fan, je ne l'ai jamais été, ne le serai jamais. Faites moi écouter un album de l'après 1976 (le dernier album d'eux que j'aime est Par Les Fils De Mandrin, de 1976) et je l'écouterai, mais avec un peu de réticence probablement (j'ai de très mauvais souvenirs de Vu D'Un Chien).
Verso de pochette (le bleu autour n'en fait évidemment pas partie)
Mais il y à des albums que j'aime, chez Ange. Pas le premier (Caricatures) ni le deuxième (Le Cimetière Des Arlequins) car, malgré qu'ils contiennent de très bonnes chansons (le deuxième renferme notamment une époustouflante reprise du Ces Gens-Là de Brel), leur production est tellement affligeante, pourrie (et le CD n'a rien amélioré, les albums n'ayant pas été dignement remastérisés ; mais vu le son pourri des albums, à mon avis, on ne peut rien faire), que l'écoute est difficile (on entend très peu les voix, notamment). A partir du troisième opus, Au-Delà Du Délire, c'est excellent en ce qui concerne le son (pour 1974), et l'album est absolument excellent aussi d'un point de vue musical : le morceau-titre, ou Si J'Etais Le Messie (un classique, le morceau le plus connu du groupe) sont sublimes. Mais c'est en 1975 que le groupe de Belfort va publier son chef d'oeuvre, même si le leader du groupe, Francis Descamps, estime que la face B est constituée de démos honorables et bonnes, mais enregistrées à la va-vite. L'album, c'est Emile Jacotey, qui tire son nom (et son artwork) d'un vieux paysan qui, à l'époque, avait 85 ans (il mourra en 1978), un ancien maréchal-ferrant qui connaissait de belles histoires, des légendes du passé de sa région, et que le groupe a rencontré et enregistré, durant une petite heure, puisant dans ses récits de quoi faire un album (en réalité, une face d'album), plaçant la voix chevrotante d'Emile, auquel la dernière chanson de la face A est dédiée, entre les morceaux, en fil conducteur. Que cela soit l'histoire sanglante et terrifiante d'un ancien seigneur qui violait et égorgeait les petites filles de son domaine et exigeait d'elles qu'elles bêlassent au moment fatal (Bêle, Bêle, Petite Chêvre) ou bien d'une histoire de fées (Sur La Trace Des Fées, sans doute le sommet de l'album), ces chansons sont sublimes.
Illustration présente dans l'intérieur de pochette
Il est vrai que la face B, qui contient soit 5 soit 2 titres (les quatre premiers formant en effet la suite Ego Et Deus, mais sont séparés aussi bien sur le vinyle que le CD), est moins percutante. La suite Ego Et Deus démarre cependant super bien avec Ego Et Deus, morceau énergique (le chant est vraiment habité) et musicalement réussi, mais la suite est un peu en-dessous de la norme, en particulier le long Les Noces, un peu ennuyant par moments. Le Marchand De Planètes, ultime morceau (séparé de la suite) est une belle conclusion, mais j'ai cependant toujours un peu de mal à me rappeler sa mélodie. Je n'écoute pas Emile Jacotey (mon album préféré d'Ange) tous les jours, mais quand même de temps en temps, nettement plus que les autres du groupe (en fait, je n'écoute plus les autres albums du groupe ; des fois, Au-Delà Du Délire, c'est tout), mais à chaque fois, c'est pareil : si la face A est gravée dans mon cerveau, j'ai toujours un peu de mal à me remémorer les grands moments de la B. Descamps n'a pas tort, elle est une suite de démos viables, bien enregistrées, mais n'ayant pas la teneur, la qualité totale, le rendu définitif de la face A. Si tout l'album avait été du niveau des 5 premières chansons, Emile Jacotey serait un chef d'oeuvre absolu, il n'est qu'un très très bon album et le sommet du groupe, c'est déjà pas mal, non ? A noter qu'il y à quelques années, Ange a refait ce disque, en entier, dans une nouvelle version que je ne connais pas, mais à mon avis, rien ne vaut l'original...
FACE A
Bêle, Bêle, Petite Chèvre
Sur La Trace Des Fées
Le Nain De Stanislas
Jour Après Jour
Ode A Emile
FACE B
Ego Et Deus I : Ego Et Deus
Ego Et Deus II : J'Irai Dormir Plus Loin Que Ton Sommeil
Ego Et Deus III : Aurealia
Ego Et Deus IV : Les Noces
Le Marchand De Planètes