Voici le dernier projet musical sur lequel a bossé Charles Mingus. Ce n'est même pas un de ses albums. Vu qu'il s'agit d'un album de Joni Mitchell, son dixième pour être précis, et que cet album est sorti en juin 1979. Or, Mingus est mort en janvier de la même année (l'album a été enregistré en plusieurs fois, entre 1978 et 1979). Cet album s'appelle Mingus, et il s'agit d'un disque de collaboration entre la folkeuse canadienne blonde à la voix voilée et le bouillant contrebassiste américain qui refusait qu'on l'appelle Charlie (car c'est un nom de cheval, pas un nom d'homme, qu'il disait), malgré que quelques uns de ses albums soient crédités à son diminutif. Enfin, peut-on parler de diminutif quand on utilise le même nombre de lettres que pour le prénom usuel ? Mingus est donc sorti, concernant le contrebassiste, de manière posthume, au début de janvier 1979. Une seule chanson, sur l'album, n'a pas pu être entendue par Mingus, vu qu'elle a été faite après sa mort. L'album est une alternance, durant 37 petites minutes, entre chansons et intermèdes, souvent extrêmement courts (le plus court fait 3 secondes !), parlés, des interventions amusantes de Mingus. Il y en à cinq en tout (sur onze plages audio), je précise où elles sont en les mettant en gras dans le tracklisting plus bas. Ces intermèdes totalisent 2 minutes en tout. Ce qui signifie qu'il y à en fait 6 chansons pour 35 minutes. On imagine donc la durée des morceaux, ce ne sont pas des vignettes de 2,30 minutes, le plus long dure 8 minutes.
Pour ce Mingusétonnant, Joni Mitchell, qui a toujours été une fan de jazz, et qui, depuis 1974 et Court And Spark, a fait des albums de plus en plus orientés vers ce style musical (The Hissing Of Summer Lawns, Hejira, Don Juan's Reckless Daughter), a d'abord organisé des sessions expérimentales (qui, selon les sources, auraient disparu, auraient été détruites, même si certaines ont refait surface en tant que bootlegs) avec des musiciens ayant, tous, collaboré par le passé avec Mingus : Tony Williams (batterie), John McLaughlin (guitare), Jan Hammer (claviers), Stanley Clarke (basse), John Guerin (batterie), Eddie Gomez (basse), Phil Woods et Gerry Mulligan (saxophones alto et baryton, respectivement), avant d'organiser, pour l'enregistrement-même, d'autres sessions, définitives, sur lesquelles elle et Mingus (qui ne joue de rien) sont accompagnés de Wayne Shorter (saxophone soprano), Jaco Pastorius (basse), Peter Erskine (batterie) - tous trois de Weather Report -, Herbie Hancock (piano électrique), Don Alias (congas) et Emil Richards (percussions sur un titre). Sorti sous une pochette représentant des peintures de Joni Mitchell, Mingus ne contient quasiment que des morceaux écrits par Joni et mis en musique par Mingus, à l'exception de God Must Be A Boogie Man, le morceau datant d'après la mort du contrebassiste.Un morceau que Mingus aurait trouvé hilarant s'il avait pu l'écouter. L'album est assez expérimental dans son ensemble, un croisement étonnant entre jazz minimaliste et folk-rock.
Sincèrement, ce n'est vraiment pas mauvais du tout, mais ce mélange entre deux courants musicaux assez différents (même si Joni avait quand même balisé le terrain avec ses précédents opus) n'est ni représentatif de la carrière de Mingus, ni de celle de Joni. Pour Joni, outre les albums que j'ai cité plus haut, il convient aussi d'écouter Blue. Pour Mingus, Tijuana Moods, Mingus Ah Hum, The Black Saint And The Sinner Lady et Oh Yeah, notamment. On entendu ici Mingus déconner gentiment sur ses funérailles, dire qu'il va dépasser Duke Ellington en âge (compte tenu que le Duke est mort à 75 ans et que Mngus n'en avait que 56...on est loin du compte), sur les quelques petits passages parlés qui émaillent l'album mais ne représentent en fait rien du tout par rapport au contenu musical. The Wolf That Lives In Lindsey, Goodbye Pork Pie Hat, A Chair In The Sky sont vraiment remarquables. L'album, bien qu'étrange et un peu frustrant, fonctionne cependant bien en tant qu'hommage musical d'une fan envers Mingus, et n'est en tout cas honteux ni pour lui, ni pour Joni Mitchell. Mais si vous voulez découvrir la carrière de la Canadienne, ne commencez pas par cet album. Même remarque pour Mingus, d'ailleurs. Ca reste très très bon, mais légèrement secondaire. Un disque à part.
FACE A
Happy Birthday 1975
God Must Be A Boogie Man
Funeral
A Chair In The Sky
The Wolf That Lives In Lindsey
FACE B
I's A Muggin'
Sweet Sucker Dance
Coin In The Pocket
The Dry Cleaner From Des Moines
Lucky
Goodbye Pork Pie Hat