Après le désastre commercial (des problèmes de distribution empêchent Stax Record de faire vendre correctement l'album, qui sera difficile à trouver en magasin à sa sortie) de #1 Record, Chris Bell quitte Big Star en 1972. Le groupe de Memphis est réduit à un trio, mais ça ne va pas les arrêter. Enfin, je parle pour Alex Chilton. Il paraît qu'Andy Hummel (basse) et Jody Stephens (batterie) étaient, eux, prêts à jeter l'éponge, mais Chilton, désormais détenteur de toutes les parties de guitares, claviers et vocales, va tenir bon la rame. Toujours sous la houlette du producteur John Fry, toujours aux studios Ardent (leur maison de disques) de Memphis, le groupe va enregistrer les 36 minutes (et 12 titres ; même formatage que pour le précédent opus) de ce deuxième album, le toujours difficile deuxième album. L'album sortira sous une cultissime pochette signée Bill Eggleston, un ami de Chilton, qui lui signera aussi la pochette de son premier opus solo, Like Flies On Sherbert, en 1979 (sorti en 1980...et enregistré en 1978/79). Le deuxième album de la Grosse Etoile s'appelle Radio City et a été enregistré courant 1973. A sa sortie, il sera encore une fois acclamé par la presse spécialisée, qui en parlera comme d'une réussite flagrante. Mais, hélas, la scoumoune s'acharne sur le groupe : l'album se vautre dans les charts, en raison de soucis de distribution : Stax Records, qui détenait les droits d'Ardent Records, cèdera ses droits à Columbia. Mais au moment de la sortie de l'album, une brouille entre Columbia et Stax fera que la major de Clive Davis (Columbia) refusera de distribuer le catalogue anciennement détenu par Stax. Parmi les produits du catalogue, Big Star...
Ce n'est qu'après, longtemps après, que Big Star deviendra culte, revendiqué par les Posies, REM, Replacements (qui feront une chanson du nom de Alex Chilton), Weezer, Cotton Mather et autres. Mais en attendant, en 1974, au moment de la sortie de l'album, Big Star n'en mène pas large. Le groupe s'autodétruira littéralement durant les sessions du troisième album, qui ne sortira, sous un tracklisting qui ne plaira pas à Chilton, qu'en 1978, avant de ressortir, sous un tracklisting approuvé par Chilton, en 1992, j'en reparle bientôt. Radio City, ça frappe dès la première écoute et dès le premier morceau, possède un son absolument dantesque, moderne, il sonne comme s'il avait été fait la semaine prochaine. Guitares qui tabassent, chant haleté, breaks de folie (O My Soul...un roller coasterà lui tout seul !), rythmiques tueuses, difficile de se dire que le groupe qui enregistre ces 12 titres est non seulement amputé d'un membre (Chris Bell a, à lui seul, offert la moitié de #1 Record, et ce n'étaient pas des mauvaises chansons, loin de là), mais en plus en état de survie, à deux doigts, non, à un doigt du split radical. C'est Chilton qui tient la barque à flot, et elle commence fuir un peu par là, et par là aussi. Ils sentent bien, les trois zigotos, que c'est probablement leur dernier album, alors ils se lâchent, baroud d'honneur, vae victis, et comment ne pas les comprendre ?
Sitting in the back of a car...comme le dit la chanson sur l'album
Tout Radio City, sous sa classe pochette (mais regardez au dos, le trio, verre en main, à une soirée, Chilton qui montre, amusé, le détenteur de l'album, l'air de dire t'as vu, Andy, c'est LUI qui a acheté notre album ! Une photo qui tranche avec le design classe du recto), est un putain d'album de rock qui déchire son papier peint avec une petite cuillère à café. S'ouvrant sur un morceau monumental de plus de 5 minutes (O My Soul) sur lequel Chilton halète, gémit, braille et s'acharne sur sa guitare, il se poursuit sur des torrents de mépris (Life Is White, You Get What You Deserve, qui est probablement une des 10 plus grandes chansons de tous les temps), de mélancolie (What's Going Ahn, Morpha Too), de pure pop (Back Of A Car, September Gurls, Way Out West, Daisy Glaze et sa construction éreintante en deux parties), un improbable mais pourtant bien réel instant de bonheur (I'm In Love With A Girl), une mélopée soul (She's A Mover), un rock butant enregistré avec le bassiste Danny Jones et le batteur Richard Rosenbrough (Mod Lang) à la place de Hummel et Stephens... Rien à jeter. Peu de temps après la sortie de ce triomphe de la volonté qui ira cependant mourir dans les bacs à soldes (du moins, chez les disquaires ayant pu obtenir des exemplaires), le groupe explosera durant les chaotiques sessions (produites et récupérées par, notamment, Jim Dickinson, pianiste de profession ayant notamment bossé avec les Stones) de Third/Sister Lovers, mais ça, j'en reparle bientôt. En attendant, le jour du Jugement, si vous n'avez pas ne serait-ce qu'écoutéRadio Cityà plusieurs reprises, si vous n'êtes pas capable d'en réciter des passages entier et d'en énoncer le tracklisting dans les deux sens, vous irez en Enfer, mes petits potes. Ou dans la Creuse. Ce qui revient probablement au même.
FACE A
O My Soul
Life Is White
Way Out West
What's Going Ahn
You Get What You Deserve
FACE B
Mod Lang
Back Of A Car
Daisy Glaze
She's A Mover
September Gurls
Morpha Too
I'm In Love With A Girl