Je ne vais pas y aller par quatre chemins, je ne vais pas mâcher mes mots, je ne vais pas épiloguer pendant 107 ans, je ne vais pas tergiverser pendant tout un paragraphe, je vais y aller franco, je vais dire ce que j'ai envie de dire, je vais me faire plaisir et ne pas hésiter un seul instant, si vous croyez que je vais me restreindre vous pouvez espérer encore longtemps, n'imaginez pas que je vais me fondre dans la masse et me taire, j'ai envie de le dire alors putain, croyez-moi, je vais le dire, et tout de suite, pas demain, pas après-demain, pas le mois prochain, pas dans un an, non, tout de suite, là, maintenant, sofort, illico, right now, ici et maintenant, hic et nunc, ah je ne suis pas de ceux qui parlent pour ne rien dire croyez-moi, ou ne me croyez pas je m'en fous, toujours est-il que je ne vais pas me gêner pour le dire maintenant, alors accrochez-vous, mieux que ça, merci, et voilà ce que j'ai à dire : Approximately Infinite Universe, le troisième album de Yoko Ono, date de 1973.
Ah, mais.
Et c'est un double album, d'une longueur de 93 minutes (pour 22 titres, 11 par disque), en plus. Oui, je sais, je suis désolé si ça fait un choc, mais il faut parfois crever l'abscès. Surtout que je ne vais pas être aussi sévère avec ce disque que je l'ai été hier avec Fly (que je n'ai pas classé dans les ratages pour les raisons que j'ai expliqué hier et que je redonne rapidement ici : faut pas être trop méchant gratuitement non plus). Sorti en 1973, Approximately Infinite Universe, troisième album solo de Yoko, est incontestablement son meilleur album. L'album a été enregistré avec Lennon (crédité Joel Nohnn, ce qui, évidemment, n'a trompé personne) à la guitare, et avec, surtout, Elephant's Memory, le groupe de Stan Bronstein (saxophone, clarinette et flûte) qui avait accompagné le couple LennOno sur leur Some Time In New York City en 1972 (et qui jouera avec Lennon au cours des deux-trois concerts qu'il a donné en 1972, immortalisés par le Live In New York City sorti en 1986). Il en résulte que l'atmosphère musicale de ce troisième Ono solo est proche de celle de Some Time In New York City...mais elle est, aussi, assez proche de l'album que Lennon a sorti à l'époque, Mind Games (à noter que les photos du verso et de l'intérieur de pochette de l'album de Yoko se retrouvent sur la pochette de la réédition CD 2010 de Mind Games - mais pas sur la pochette du vinyle original de Mind Games, en revanche).
Mind Games, c'était Lennon juste avant son Lost Weekend, cette période de 1973/1974 au cours de laquelle il se séparera temporairement, et d'un commun accord, avec Yoko. Elle reste à New York, il se barre à Los Angeles, avec sa secrétaire personnelle May Pang, et va vivre d'intenses virées alcooliques avec Ringo, Nilsson, Jesse Ed Davis... De la même manière que Mind Gamesétait pour Lennon une sorte de prélude à son Lost Weekend, Approximately Infinite Universe est, pour Yoko, quelque part, le prélude à un autre pan de sa vie, un an et demi de séparation très certainement difficile, même si elle a quand même bien mieux tenu le coup que son Dr Winston O'Boogie de mari. Les deux albums ont peut-être été faits en même temps, en tout cas, tous deux, avant la séparation. Laissant totalement de côté les élucubrations vocales miauleuses de ses précédents opus, Yoko, ici, chante, tout simplement. Et quiconque ayant entendu Double Fantasy et Milk And Honey, les deux derniers albums de Lennon (sorti posthume en 1984 pour le second, mais enregistré en même temps que le premier), sur lesquels il partage sa musique avec celle de sa femme, sait que Yoko, quand elle chante normalement (de passage en studio, Mick Jagger s'avouera agréablement étonné), chante bien, et possède une belle voix (écoutez Every Man Has A Woman Who Loves Him si vous ne me croyez pas). Ici, tout du long des 22 titres, tout n'est pas immense, mais rien n'est à jeter. Yoko offre de très belles chansons (Death Of Samantha sera reprise par plusieurs artistes et donnera même son nom à un groupe punk), se permet même un peu de français sur Shiranakatta (I Don't Know), sur laquelle elle chante aussi en anglais, et dans sa langue natale, le japonais. Les morceaux ne sont pas très longs (6,20 minutes pour le plus étendu), sont bien interprétés, et du rock pur dans l'ensemble. Par comparaison avec le reste de la discographie de Yoko (ses chansons sur les deux derniers Lennon exceptés ; ici, c'est du même ordre), Approximately Infinite Universe, dont le succès commercial sera, on s'en doute, faible, fait office de belle exception. Il n'en faut qu'un de Yoko Ono : c'est celui-là.
FACE A
Yang Yang
Death Of Samantha
I Want My Love To Rest Tonight
What Did I Do !
Have You Seen A Horizon Lately ?
FACE B
Approximately Infinite Universe
Peter The Dealer
Song For John
Catman (The Rosies Are Coming)
What A Bastard The World Is
Waiting For Sunrise
FACE C
I Felt Like Smashing My Face In A Clear Glass Window
Winter Song
Kite Song
What A Mess
Shiranakatta (I Don't Know)
Air Talk
FACE D
I Have A Woman Inside My Soul
Move On Fast
Now Or Never
Is Winter Here To Stay ?
Looking OverFrom My Hotel Window