Petit plaisir coupable pour moi : j'adore la new-wave. Aussi bien la new-wave arty, genre les Simple Minds du début de carrière (mais les Simple Minds pour la totalité de leur discographie, en fait), Gang Of Four, Magazine, Public Image Limited ou Wire, que la new-wave un peu putassière, les gros tubes qui squattaient les ondes radio et les TV du monde entier dans les années 80 : Duran Duran, Soft Cell, Alphaville, etc, etc... Parmi les groupes cultes des années 80, certains, comme Duran Duran ou Frankie Goes To Hollywood, sont aujourd'hui difficilement défendables (notons que le premier album de FGTH, double, est un des meilleurs albums des années 80 malgré son côté très surchargé et débridé). Et je ne parle même pas de Sigue Sigue Sputnik. Mais d'autres groupes sont toujours très respectés, et peut-être même encore plus maintenant qu'à l'époque : Talk Talk (qui n'a jamais entendu leurs albums The Colour Of Spring, Spirit Of Eden et Laughing Stock ne savent pas ce qu'ils perdent), New Order (Low-Life est un chef d'oeuvre, Technique n'est pas loin derrière), les Simple Minds (tout, du premier opus à Good News From The Next World en 1995, soit une période de 17 ans, est ultra recommandé), et Tears For Fears, duo pop/rock fondé par Curt Smith (chant, basse) et Roland Orzabal (chant, guitare) au tout début de la décennie et qui a, sous sa forme de duo, sorti trois excellents albums : The Hurting (avec Change, Mad World) en 1983, Songs From The Big Chair (avec Shout et Everybody Wants To Rule The World) en 1984 et The Seeds Of Love en 1989, bref, ce disque. Après cet album, Smith se barre, Orzabal continuera sous le nom du groupe et sortira quelques albums ma foi très bons (Elemental, Raoul And The Kings Of Spain, j'aborderai ce dernier dans un futur relativement proche ; en fait, grosse annonce, j'aborderai ici, dans un futur relativement proche, tous les autres albums studio du groupe, leur tout dernier mis à part, mais ces articles seront dans le désordre) mais qui se vendront aussi bien qu'une VHS hispanophone des Charlots sur un marché du XVIème arrondissement de Paris.
Le nom du groupe ('des pleurs pour des peurs'...c'est pas si fréquent qu'une traduction d'un nom de groupe rime aussi bien que dans sa langue originelle !) est basé sur la théorie du cri primal de Janov (tout comme le groupe Primal Scream de Gillespie et Innes), et la chanson Shout aussi, il me semble, s'en inspire. On pourrait croire, au vu des albums du groupe et de leurs sujets assez adultes (la pochette de The Hurting montre un enfant accroupi, tête dans les mains, en détresse, et le nom de l'album signifie 'la meurtrissure'), que Tears For Fears, ou TFF pour les ceusses qui ne veulent pas se faire chier la bite àécrire le nom du groupe en entier, est un groupe qui se la pète. Non. Pas du tout. En revanche, au même titre que Talk Talk, c'est un groupe qui ne cherche pas à faire de la pop FM destinée à envahir les ondes radio et à faire se remuer le cul sur des synthés et des boîtes à rythmes. Sur Shout, on a un solo de guitare (et un bon !), pas des claviers qui font pouet-pouet et sentent, en 2018, à peu près aussi bon qu'une sardine oubliée pendant des heures sur une plage arrière de voiture garée sur une plage en été sur la Riviera. Troisième opus du groupe, sorti en 1989 alors que la new-wave est déjà un lointain et douloureux souvenir, The Seeds Of Love, avec sa pochette bien chamarrée qui sent bon son influence Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, est au même titre que The Colour Of Spring (1986) de Talk Talk et Hounds Of Love (1985) de Kate Bush, un disque qui surpasse son milieu, son genre, et surtout son époque. Richement produit, rempli de guests (Phil Collins, Manu Katché, Pino Palladino, Robbie McIntosh, Tessa Niles, Simon Philips...), produit par le groupe et David Bascombe, long de 50 minutes pour seulement 8 titres, The Seeds Of Love marchera assez correctement, sans pour autant péter la baraque, mais c'est surtout le single Sowing The Seeds Of Love qui cartonnera et reste aujourd'hui, du moins dans un premier temps, la raison pour écouter le disque.
Smith et Orzabal
A l'époque, on critiquera vertement le groupe d'en faire trop : un disque très riche, de sa pochette à ses arrangements, un album qui semble sous influence beatlesienne (très difficile de ne pas penser àMagical Mystery Tour en écoutant Sowing The Seeds Of Love) et essaierait presque, selon certains, de faire mieux que les Fab de Liverpool. Un disque qui semble vouloir faire une somme de toute une époque, avec ses bons et ses mauvais côtés, et qui serait, au final, indigeste et pompeux. Indigeste ? Et mon cul, il joue de la samba en braille ? The Seeds Of Love est, qu'on se le dise, un des meilleurs albums d'une décennie alors en fin de race (1989, je le rappelle), ainsi que, probablement, le meilleur album de 1989 avec Flowers In The Dirt de McCartney. C'est un album certes assez produit (mis mis à part un titre ou deux, les Beatles ne transpirent pas vraiment sur le son de l'album), le groupe et ses invités ont passé du temps à le faire et ça s'entend, mais son écoute est tout aussi agréable en 2018 qu'elle ne l'était, probablement, en 1989. J'ai personnellement découvert ce disque à la fin des années 90, soit une dizaine d'années après sa sortie, et depuis ma première écoute, je dois dire que je n'ai jamais cessé d'adorer cet album admirable, pas de la new-wave, mais de la simple pop bien charpentée, un album rempli de grandes chansons (Year Of The Knife,Advice For The Young At Heart, Woman In Chains, Badman's Song, et évidemment, le très beatlesien et tubesque Sowing The Seeds Of Love qui est une très belle vitrine pour l'ensemble de l'album, bien que d'autres chansons soient moins chargées en effets qu'elle sur le disque). Réédité récemment avec des bonus-tracks pas dégueulasses (mais les 8 titres de l'album original se suffisent amplement, l'album se finissant magnifiquement sur Famous Last Words au titre sans équivoque), The Seeds Of Love est une pure petite merveille de pop britannique colorée et envoûtante, un album rarement cité dans les classements et listes du genre 'meilleurs albums' mais qui vous accompagnera pour tout le reste de votre vie si vous avez le bonheur, un jour, de l'écouter, ce qui est foutralement conseillé. Et dans ce cas, n'attendez pas d'avoir 80 ans pour le faire, hein...
FACE A
Woman In Chains
Badman's Song
Sowing The Seeds Of Love
Advice For The Young At Heart
FACE B
Standing On The Corner Of The Third World
Swords And Knives
Year Of The Knife
Famous Last Words