Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce disque n'a pas fait parler de lui. Il est sorti en 1992, sans campagne de publicité, il a été assez ignoré dans la presse (peu de critiques, certaines n'étaient pas très sympathiques), et il est pour tout dire franchement méconnu. Pourtant, il y à de quoi dire à son sujet. C'est le deuxième album live de George Harrison après le mythique triple The Concert For Bangla Desh de 1971. Et il date, donc, de 1992, et s'appelle Live In Japan vu que Georgie Boy, entouré notamment de son vieux pote Eric Clapton (qui, au cours du concert, chantera aussi des chansons à lui, absentes ici pour des raisons de maison de disques différente de celle d'Harrison), ainsi que de Ray Cooper, Andy Fairweather-Low et Chuck Leavell (mais aussi Steve Ferrone, Greg Phillinganes...), l'a enregistré au cours de concerts à Osaka et Tokyo (en décembre 1991). Si on excepte quelques participations amicales de ci de là (concerts de Clapton, notamment), Harrison ne fera plus de concerts après 1974 et sa tournée promotionnelle de l'album Dark Horse (tournée qui sera calamiteuse pour lui). Un retour scénique accompagné d'un album live aurait donc dûêtre accueilli comme un film de Kubrick, autrement dit, avec joie et fébrilité. Ben non. Comme pour Gone Troppo (1982), aucune publicité. Pourtant, le précédent album d'Harrison, Cloud Nine en 1987, sera un gros succès, avec le hit-single Got My Mind Set On You. A l'arrivée, Live In Japan, créditéà George Harrison With Eric Clapton And Band, est donc un disque méconnu, quasiment oublié, mais qui reste le seul témoignage live officiel d'Harrison en solo, vu que, rappelons-le, The Concert For Bangla Desh est un concert caritatif (le premier de l'Histoire, d'ailleurs) collectif avec, notamment, Dylan, Leon Russell, Ravi Shankar ou Ringo Starr.
Première constatation : Harrison semble un peu stressard, sa voix est bonne, mais il ne semble pas tout donner tout du long du double album (qui n'est pas très long : 87 minutes environ pour deux CDs pas remplis jusqu'à la gueule, aucun de fait plus de 44 minutes) ; le son est bon, pour l'ensemble du live, mais on sent que ça date de 1991/92, ce n'est pas surpuissant comme, par exemple, le dernier live de Led Zeppelin (en même temps, Harrison et Led Zeppelin partagent deux choses seulement : avoir joué dans les années 60/70 et être de nationalité britannique ; mis à part ça...), mais ce n'est pas une qualité moyenne de son, c'est vraiment pas mal ; enfin, la setlist est remarquable. On démarre d'entrée de jeu par trois morceaux des Beatles : I Want To Tell You, Old Brown Shoe (une face B de single de 1969, méconnue, absente des albums des Beatles, compilations exceptées) et le mémorable Taxman. Des versions TRES fidèles aux originaux, Harrison reprenant même l'intro de Taxman au début de la chanson, le toussotement de Lennon qu'il fait sien. Puis Give Me Love (Give Me Peace On Earth), de l'album Living In The Material World de 1973, est la première chanson du live issue de sa carrière solo post-Beatles. If I Needed Someone, autre chanson des Beatles, suit, puis arrive Something (agrémentée d'un solo de guitare sublime de Clapton), What Is Life (accueilli comme il se doit : dans la liesse), Dark Horse, et, surprise, Piggies, la fameuse chanson du Double Blanc qui avait inspiré ce fou furieux de Charles Manson, et qu'Harrison dira souvent avoir regretté (trop cynique, trop polémique, trop méchante), ici agrémentée d'un couplet supplémentaire qu'Harrison n'avait pas voulu chanter à l'époque. Le premier disque se termine par le hit de 1987 Got My Mind Set On You (qui est, rappelons-le, une reprise d'une vieille chanson des 50's).
Le second CD s'ouvre sur Cloud 9, terrible, puis Here Comes The Sun et My Sweet Lord. Du bonheur en rondelle digitale. All Those Years Ago et Cheer Down, moins connues, suivent, puis Devil's Radio, de 1987 (avec son gimmick vocal assez énervant, larsen, larsen). Les trois derniers morceaux mettent tout le monde d'accord : Isn't It A Pity (qui sera toujours aussi belle dans 3000 ans que depuis son enregistrement en 1970), While My Guitar Gently Weeps (se pourrait-il que le solo de guitare, dessus, soit le plus beau concernant cette chanson, plus beau que celui de la version originale du Double Blanc, déjà joué par Clapton ?) et la reprise du Roll Over Beethoven de Chuck Berry, quasiment aussi mémorable que la version des Beatles de 1963. Live In Japan, au final, est une réussite, un excellent album malgré un ou deux reproches : Harrison aurait pu se lâcher un peu plus ; et le concert est trop court, il manque des classiques d'Harrison, ces Wah-Wah, Beware Of Darkness, When We Was Fab, I Me Mine, Try Some, Buy Some, Bangla Desh (même si, pour cette dernière, le fait que l'aventure caricative du show pour le Bangla Desh s'était assez mal finie, dans l'amertume, avec des rumeurs de détournement de fonds, et Harrison n'avait sans doute plus envie de chanter cette chanson sortie de son contexte) ou Blue Jay Way. Mais dans l'ensemble, ce double live (vendu cher, comme les autres albums d'Harrison ; à noter que depuis 2004, année de sa réédition, il est vendu dans un boîtier aux bords arrondis - vous savez, ces nouveaux - avec les deux CDs mis l'un sur l'autre, sur le même plateau central. Ce qui est peu pratique), ce double live est, donc, vraiment bon, et si vous aimez Harrison, vous devriez aimer son écoute. Ca fait toujours du bien d'entendre Harrison en live, vu que c'est si peu fréquent !
CD 1
I Want To Tell You
Old Brown Shoe
Taxman
Give Me Love (Give Me Peace On Earth)
If I Needed Someone
Something
What Is Life
Dark Horse
Piggies
Got My Mind Set On You
CD 2
Cloud 9
Here Comes The Sun
My Sweet Lord
All Those Years Ago
Cheer Down
Devil's Radio
Isn't It A Pity
While My Guitar Gently Weeps
Roll Over Beethoven