Daniel Balavoine, alors âgé de 23 ans, en 1975, enregistre son premier album studio, De Vous A Elle En Passant Par Moi. Un album qui ne marchera absolument pas, ce qui frustrera beaucoup Balavoine, qui ne défendra jamais ce disque sur scène. En même temps, il faut bien dire la vérité : ce premier album est un ratage, vraiment, un disque très daté, vieillot (disons plutôt qu'il est beaucoup trop ancré dans son époque, comme pas mal de la variété francaouise des années 70), pas mal chanté car on parle de Balavoine, mais les chansons, hélas, ne suivent pas, aucune. C'est un coup d'épée dans l'eau. Mais Barclay ne vire pas Balavoine, pourtant totalement inconnu et qui, suite à ce bide, retombe dans l'oubli, plus rapidement qu'il en était sorti. Balavoine, en 1976, effectue un voyage en Pologne (pourquoi ce pays, dont il ne possède aucune origine ? En 1974, Balavoine épousera une jeune femme originaire de ce pays, Dominique Schroo, dont il divorcera en 1979). Là, dans ce pays sous domination soviétique, où la vie était, on s'en doute, difficile, il fera quelques expériences, ayant notamment croisé la route d'un chanteur local rêvant de chanter à l'Olympia, à Paris, mais qui ne le pouvait pas, pour des raisons évidentes (bloc de l'Est). S'étant rendu compte que, dans les magasins, on trouvait des rayons avec un seul et même article (manteau, gants...) en multiples exemplaires, pas de choix d'articles ; que des gens vendaient, à la sauvette, sous le manteau, des objets de contrebande. Déjà engagé, et pas à droite on le sait bien, Balavoine va revenir, comme Renaud par la suite, totalement chamboulé de son voyage de l'autre côté du rideau de fer.
Pour Balavoine, c'est clair : il va faire un disque sur ça. Il va imaginer un concept, chose assez rare en France et surtout dans la variété française, un album qui racontera une histoire. L'histoire de deux frères allemands, Simon et Gunther, vivant tous deux à Berlin, l'un à Berlin-Ouest, l'autre à Berlin-Est, séparés par le Mur. Le disque sortira en 1977, c'est donc son deuxième album, il s'appelle Les Aventures De Simon Et Gunther...Stein, et sa pochette représente des immeubles monolithiques et moches comme un cul, dans une rue déserte, et un camion de l'Armée Rouge qui passe. Un dessin, pas une photo, qui symbolise l'architecture froide, sévère, de l'ère soviétique. Enregistré au studio Hoche de Paris, sous la supervision de Léo Missir et Andy Scott, l'album a été fait avec notamment Roger Secco, Colin Swinburne, aPatrick Dulphy, Benard Serre, Patrick Bourgoin, Gérard Daguerre, Guy Guermeur et Hervé Limeretz. Ces musiciens formeront pour beaucoup d'entre eux le groupe accompagnateur de Balavoine, Clin D'œil. Il dure 36 minutes, c'est je crois l'album le plus court (en fait, non, cet honneur revient àFace Amour/FaceAmère) du chanteur, et comme vous pouvez vous en douter, à sa sortie, le disque se vendra mal (dans les 20 000 exemplaires vendus, deux fois plus que le précédent, mais tout de même un échec), mis recevra en revanche de bonnes critiques. Le single promotionnel, Lady Marlène, première chanson connue de Balavoine (je veux dire par là que, chronologiquement, c'est son premier tube, même si mineur), sera indirectement la source de l'engagement de Balavoine dans Starmania : Michel Berger, en effet, remarquera le chanteur alors qu'il passait à la TV pour y interpréter cette chanson. Alors en train de concevoir son opéra rock avec Luc Plamondon, il décide d'engager le chanteur. On connaît la suite.
L'album est, à défaut d'être immense, une vraie surprise. Un album vraiment peu connu, c'est rien de le dire, et qui semble vampirisé par Lady Marlène, excellente chanson. Mais limiter l'album à cette chanson serait être une erreur. Si on met de côtéCorrespondances (instrumental musicalement assez daté, comme d'ailleurs certains passages de l'album, telles que les parties de synthétiseurs, comme sur La Réponse, chanson au demeurant très bonne), l'album aligne des chansons super bien écrites, il n'est pas difficile de suivre le concept de l'album, dont Berger aurait aimé faire une adaptation scénique, il en avait parléà Balavoine, mais la mort de ce dernier entraînera la mort du projet, c'est d'ailleurs après la mort de Balavoine que Berger avouera avoir eu envie de faire ce projet. Mon Pauvre Gunther, Lise Altmann, le morceau-titre, tous les morceaux, même si parfois musicalement un peu lourds (Mon Pauvre Gunther), sont au pire très bons, au mieux vraiment remarquables. Seule la dernière chanson, Ma Musique Et Mon Patois, s'éloigne du concept, Balavoine y parlant de la chanson française, plus précisément du rock dans la langue de Molière, qu'il défend. Au final, cet album méconnu, sans doute peu écouté désormais, est à découvrir, c'est vraiment très très réussi, original (peu d'albums de ce genre dans la chanson française à l'époque), vraiment excellemment bien écrit et interprété, une augmentation à un million de % de qualité par rapport au premier album. L'album suivant, fait à l'époque où Balavoine enregistre ses chansons dans Starmania, et sorti quelques mois avant l'album des chansons de l'opéra-rock (qui sera joué sur scène en 1979), va tout changer pour Balavoine. J'en parle bientôt, demain logiquement, même heure ou presque !
FACE A
Correspondances
La Porte Est Close
La Réponse
Mon Pauvre Gunther
J'Entends Cogner Ton Coeur
FACE B
Lise Altmann
Les Aventures De Simon Et Gunter...Stein
Lady Marlène
La Lettre A Marie
Ma Musique Et Mon Patois