Dans la série des albums live essentiels, on trouve le James Brown à l'Apollo, le Allman Brothers Band au Fillmore East, le Deep Purple Fabriqué au Japon... Il serait assez inconscient, et probablement même parfaitement illégal, de ne pas citer, aussi, cet album-ci. C'est le genre d'album que l'on trouve très facilement en vinyle, que ce soit sur le Net ou en convention (en brocante aussi, d'ailleurs je l'avais trouvé en brocante, mais je l'ai par la suite racheté sous ce format sur le Net), mais, souvent, dans un état relativement moyen, usé jusqu'à la corde. Si j'ai racheté le vinyle, c'est justement parce que celui que j'avais trouvé en brocante était dans un tel état qu'il est tout juste bon àêtre mis sur un mur, en décoration (pas impossible que je fasse ça, d'ailleurs, avec mon premier exemplaire). Cet album, mythique s'il en est, a en effet été très souvent écouté, réécouté, par ses heureux possesseurs, et comme en plus il date de 1964, si vous trouvez un exemplaire d'époque, il fait le poids de son âge. Vous l'avez compris, il est temps de reparler de ce fameux live sorti par le Killer, Jerry Lee Lewis, Live At The Star-Club, Hamburg, édité en France, sur Philips, sous le titre Enregistrement Public Au Star-Club D'Hambourg. Il y à des lives qui butent, qui marquent les esprits, qui s'imposent. Les trois cités plus hauts, et celui-ci feraient bien partie d'un Top 5 (en y rajoutant le Get Yer Ya-Ya's Out ! des Stones), ne me demandez pas dans quel ordre. Notez au passage que trois de ces cinq albums live sont simples, dont celui du Killer.
Il est bien triste qu'un live en vinyle ne soit que simple, mais aussi bien pour le James Brown que pour le Jerry Lee Lewis, c'est très logique, les concerts de l'époque étaient courts (quand les Beatles montaient sur scène, ça durait 30/35 minutes, max), aussi on peut estimer sans trop se gourer que ce live de 1964 propose tout le concert hambourgeois, là même où les Beatles, justement, à leurs débuts, quand Stuart Sutcliffe faisait encore partie du groupe et de cette Terre, quand Pete Best aussi en faisait partie, ont joué, avant le premier album, avant la signature chez EMI/Parlophone. Ce live est court, donc : 34 minutes, 13 titres qui vont vous atomiser le gland. Jerry Lee le survivant (de tous les rockeurs importants de l'époque, c'est le seul encore en vie), entouré de ses Nashville Teens qu'il ne prend même pas la peine de présenter (l'air de dire le plus important, c'est moi, eux, ils m'accompagnent et ils peuvent s'estimer heureux de le faire), et jouant du piano debout (c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup, ça veut dire qu'il était libre, heureux d'être là malgré tout), fait du Star-Club son fan-club en deux temps/trois mouvements. De I Got A WomanàWhole Lotta Shakin' Goin' On, qu'il défenestre comme un taré, le Killer nous offre une leçon de rock'n'roll avec le piano comme force motrice. Pauvre piano, défonçé par les doigts du Killer, martelé, tabassé, qui devait sans doute fumer à la fin de la prestation, à deux doigts de s'effondrer comme un meuble Ikea monté par un parkinsonien...
Moments de grâce dans ce live ? Qu'est-ce que vous diriez de "tout" ?
Parce que c'est à peu près ça, au minimum. Money (That's What I Want), What I'd Say (en deux parties à la suite, sans doute pour faire moins éléphantesque, l'ensemble durant presque 5 minutes, presque du progressif pour 1964, cette durée !), Great Balls Of Fire, Matchbox, Long Tall Sally, le Killer nous offre, morceaux à lui ou reprises (pas mal de reprises : Your Cheatin' Heart, moment de douceur, c'est du Hank Williams, Long Tall Sally c'est Little Richard, Matchbox c'est Carl Perkins...), une setlist du feu de Dieu, on ne s'emmerde pas un seul instant et, cerise sur le gâteau, la qualité sonore est à tomber par terre, ça date certes de 1964 mais ça sonne un zillion de billion de trilliard de dizaine fois mieux que le live d'Indochine au Stade de France. Et c'est meilleur, mais ça n'a aussi rien à voir. Il n'est pas rare de trouver ce live en bonne place, parfois même en tête de liste, dans les classements 'meilleurs lives de tous les temps'. Et si jamais un jour vous avez la chance de rencontrer le Killer, vieillard ou pas vieillard, ne venez pas lui dire que vous n'aimez pas ce live, sinon il vous tue et vous donne à bouffer à ses chiens, du moins pour commencer (et puis après, il vous intentera sans doute un procès). On atteint ici le summum absolue d'une carrière, ni plus, ni moins.
FACE A
Mean Woman Blues
High School Confidential
Money (That's What I Want)
Matchbox
What I'd Say (Part 1)
What I'd Say (Part 2)
FACE B
Great Balls Of Fire
Good Golly, Miss Molly
Lewis' Boogie
You're Cheatin' Heart
Hound Dog
Long Tall Sally
Whole Lotta Shakin' Goin' On