La grosse honte : je me suis rendu compte, après tout ce temps, que depuis la création du blog (2009), je n'avais toujours pas - toujours pas ! - abordé cet album. Mis à part pour en parler rapidement dans le long article résumant la discographie de Bob Dylan (je n'y était pas tendre avec l'album, d'ailleurs). Je rattrape désormais cette épouvantable erreur. Cet album s'appelle Planet Waves, et il date de 1974. C'est un album qui ne compte pas parmi les plus connus du Barde, il ne fait pas partie de ceux que l'on conseille, généralement, aux néophytes, pour découvrir l'artiste. A sa sortie, il fut correctement accueilli dans l'ensemble, mais par rapport aux classiques tels Blonde On Blonde ou Blood On The Tracks (ce dernier n'était pas encore enregistréà l'époque, ce sera son album studio suivant), ce ne fut pas pareil ; l'album sera, en gros, accueilli avec condescendance, amicalement, mais avec un peu de tiédeur. Pourtant, ce disque mérite amplement la découverte. Ou la redécouverte, ce qui fut le cas, en ce qui me concerne. Car je dois ici dire la raison probable qui a fait que je n'ai jamais abordéPlanet Waves ici : sans doute parce que, pendant longtemps, je suis resté indifférent à cet album. Mes premières écoutes, il y à de cela une dizaine d'années environ, furent sans saveur, je n'arrivais pas à m'intéresser à l'album, je ne le détestais pas, mais pire, je m'en foutais, royalement, impérialement, présidentialement. Mis à part une chanson, Forever Young, laquelle est d'ailleurs le hit, le classique, de l'opus. Et puis, j'ai cessé de l'écouter pendant, disons, un sacré bail ; et puis, un jour, alors que je me réécoutais quelques Dylan, mes yeux se sont posés sur la tranche du CD de l'album, et je me suis dit qu'il serait bon de retenter le coup, si ça se trouve ça sera un coup dans l'eau, mais sait-on jamais. Ce fut une révélation, hormis pour un titre que, décidément, je n'aimerai jamais (la seconde version, car il y en à deux sur le disque, de Forever Young). Du coup, voilà, je l'aborde, maintenant que ça fait bien un an et demi que j'ai changé d'avis (et cette fois-ci, pour de bon) à son sujet. Ce que vous pouvez lire au sujet de l'album sur l'article sur la discographie de Dylan est donc, maintenant, erroné.
Dos de pochette vinyle (pour le CD, le code de couleurs a été inversé)
Un truc que j'ai mis longtemps à tilter, c'est que cet album (et le double live qui suivra dans l'année, mais fut enregistré avant les sessions de l'album, Before The Flood, fait avec le Band) n'est pas sorti sur le label Columbia (contrairement à la réédition CD actuelle, et même chose pour le live), mais sur Asylum Records. Pourquoi ? Chaipas. Mais Dylan avait, fin 1973, quitté Columbia Records, la firme de Clive Davis, la firme qui l'avait signéà ses débuts et est la plus ancienne de toutes les maisons de disques américaines, pour Asylum, la firme de David Geffen. Plusieurs possibilités : a) Dylan voulait changer d'air, découvrir de nouveaux horizons, et a essayé ailleurs (il reviendra, dès la fin 1974, chez Columbia, pour ne plus jamais en partir, ceci étant) ; b) Dylan, mécontent de la manière dont Columbia a sorti, sans son accord, un album du nom de Dylan, en 1973, constitué de chutes de studio des sessions 1970 de Self Portrait et New Morning, partira ailleurs en représailles (à noter que l'album Dylan, épouvantablement mauvais, insauvable, n'est jamais sorti en CD de manière officielle, Dylan s'y refusant, et il a bien raison) ; c) Columbia a peut-être fait quelques réprimandes à Dylan pour avoir sorti un double album artistiquement et commercialement foiré (Self Portrait) et pour ne pas avoir fait grand chose depuis lors, mis à part un New Morningà peine moyen, une bande-son de film - Pat Garrett & Billy The Kid - correcte mais tout sauf dylanienne, et un best-of, et ces remarques, si elles ont eu lieu, ne lui auraient pas plu, dont départ ; ou bien, la plus probable de ces hypothèses, d) David Geffen, patron d'Asylum Records (la firme ayant signé les Eagles, notamment, et ayant offert à Gene Clark, ex-Byrds alors dans la dèche, la possibilité de faire un disque, qui sera No Other, chef d'oeuvre absolu ayant malheureusement bidé), aurait fait une offre très intéressante à Dylan, ce dernier l'a acceptée, voilà tout. Donc, Planet Waves est sorti sur Asylum, et le live Before The Flood qui suivra le sera aussi. Les deux albums ont été faits avec The Band, fameux groupe de folk-rock canadien (sauf le batteur, Levon Helm, américain) qui accompagna Dylan autrefois, sur scène, au milieu des 60's. Et qui, en 1967, enregistrèrent, avec Dylan, une enculade de chansons fok-rock, un écrin à futures reprises par d'autres artistes, les fameuses Basement Tapes (sorties en pirate en 1968, officiellement en 1975, sans parler du coffret de l'intégrale, sorti le mois dernier). Before The Flood fut le live représentatif de la tournée conjointe organisée par Dylan et The Band (tournée faite en janvier/février 1974). Planet Waves, lui, est sorti en janvier (le live sortira en juin), mais a été enregistré en fin d'année 1973, c'est indéniablement pendant les sessions que Dylan et le Band auront l'idée de tourner ensemble (au cours des concerts, le Band interprétera certaines de leurs chansons, comme Up On Cripple Creek ; sur Planet Waves, ils ne sont que musiciens, aucun des membres ne chante).
Sous son horrible pochette (sur laquelle, au recto, est écrit deux mentions en plus du titre : Moonglow, qui est sans doute le sous-titre de l'album, en tout cas, aucune autre explication ne circule, et Cast-iron songs and torch ballads, qui est probablement la façon dont Dylan voyait son album), Planet Waves est un album qui se laisse découvrir. Connu essentiellement pour Forever Young (magnifique chanson qui est aussi présente dans une version plus courte et enlevée, totalement inférieure ; à noter que la version principale ferme la face A et que l'autre version ouvre la B, on a donc les deux versions à la suite), l'album renferme une série de chansons vraiment admirables : Wedding Song est une des plus belles chansons que le Barde a jamais enregistrées, Dirge est, elle, une des plus cinglantes et sinistres qui soient (une réussite absolue), Going, Going, Gone est sensationnelle, Tough Mama est limite très pop/rock, Something There Is About You est sublime, Hazel aussi, toutes, en fait (sauf, si vous avez bien suivi, la seconde version de Forever Young). Premier vrai disque de Dylan depuis New Morning en 1970 (Dylan, de 1973, ne compte pas car Bob Dylan ne l'a pas approuvé, et il est constitué de chutes de studio ; Pat Garrett & Billy The Kid Soundtrack de 1973 aussi, car c'est une bande-son, pas un 'vrai' album), l'album sera globalement bien accueilli, du style c'est toujours mieux que ce qu'il nous a offert depuis 1970, mais on estimera aussi qu'il aurait pu faire mieux, et que la collaboration avec le Band marche mieux en live. Avec le temps, Planet Waves sera bien réhabilité, pas mal de fans le placent parmi leurs favoris, une sorte de disque méconnu, pas oublié mais pas loin, qu'ils savourent seuls, presque sans en parler, un album culte. Dans le courant de 1974, Dylan reviendra chez Columbia, commencera les sessions de l'album Blood On The Tracks (1974/1975), qui sera un triomphe, son meilleur album depuis Blonde On Blonde (1966). Planet Waves, incartade signée chez Asylum (ce qui n'empêchera pas Columbia de le rééditer par la suite, comme Before The Flood, en mettant leur dignité de côté pour le coup), disque de collaboration avec le Band sorti sous une pochette ratée et indescriptible, plongera lentement dans un petit oubli, le succès monstrueux de l'album suivant, et de Desire (1975), ayant tout recouvert. A celles et ceux qui ne connaissent pas encore ce disque, je ne peux que vous encourager à rattraper le retard : ces 41 minutes sont vraiment parmi ce que Dylan a fait de mieux dans les annéées 70 et en général.
FACE A
On A Night Like This
Going, Going, Gone
Tough Mama
Hazel
Something There Is About You
Forever Young
FACE B
Forever Young (alt. version)
Dirge
You Angel You
Never Say Goodbye
Wedding Song