- Comment ça, on ne peut pas se permettre de mettre ta chanson sur le disque ? Hey, Rog', tu m'expliques, là ? Elle te plaît pas, ma chanson ?
- C'est pas ça, Dave, mais tu comprends, le sujet, c'est, euh...compliqué...Ca parle de sexe, les Byrds ne parlent pas de sexe, déjà que quand on avait parlé de drogue avec Eight Miles High, on a eu des problèmes, alors le sexe... Et puis, du sexe bizarre...
- Bizarre ? Y'à rien de bizarre dans un ménage à trois !
- C'est toi qui le dit...
- Alors c'est décidé, tu la passes à l'as, ma chanson ? Et tout ça, pour foutre une putain de chanson de Carole King à la place ? Ben tu sais quoi, Roger ? Allez tous vous faire foutre, je me barre !
- Tu te barres ?
- Ouais, je me barres ! Allez, salut, les nuls, je m'en vais la fourguer ailleurs, chez qui on me comprendra !
Petit dialogue imaginaire entre Roger McGuinn et David Crosby, alors deux membres des Byrds (McGuinn en leader incontesté), pendant les sessions d'enregistrement de cet album, The Notorious Byrd Brothers. J'ignore si les deux ex-compères ont réellement tenu pareil discours (encore une fois, ce petit dialogue est tiré de mon cerveau), mais le résultat fut, aussi bien dans la réalité que dans cette fiction, le même : Crosby est en effet parti, durant l'enregistrement de l'album, et ce, en grande partie parce qu'il n'appréciait pas la direction prise par le groupe, et la décision de ne pas mettre, sur le disque, une de ses chansons, Triad, ode aux threesomes, sujet que le groupe estimera quelque peu osé. La chanson ne sera pas sur le disque, McGuinn y mettra, à la place, une reprise d'une chanson écrite par Carole King (qui, avant de lancer sa carrière de chanteuse en 1971 avec le remarquable Tapestry, fut une des meilleures auteures de chansons style folk/soul : (You Make Me Feel Like) A Natural Woman pour Aretha Franklin, etc), Goin' Back. Laquelle chanson est, ici, en seconde position sur l'album (j'ignore si Triad aurait étéà cet emplacement précis), un album sorti en 1968.
Verso de pochette vinyle
On parle souvent de ce disque comme du meilleur album des Oyseaux, et le moins que l'on puisse dire, c'est...en effet. Court comme tout album des Byrds qui se respecte (je crois que si l'on excepte leur double (Untitled) de 1971, mi-live mi-studio de 70 minutes, leur plus long opus fait 34 minutes, et c'est Dr Byrds & Mr Hyde, 1969), The Notorious Byrd Brothers fait en effet la petite bagatelle de 28 minutes, pour un total de 11 titres, le plus court fait un chouia moins de 2 minutes, et le plus long, un chouia moins de 4 minutes ! C'est le meilleur opus des Byrds, car c'est bien le seul, de leur discographie, àêtre parfait de bout en bout. Même leurs autres grands albums (Dr Byrds & Mr Hyde, le countrysant Sweetheart Of The Rodeo de 1968, fait juste après The Notorious..., avec Gram Parsons, ou bien encore Younger Than Yesterday de 1967, celui qui précède The Notorious... ; sans oublier Mr. Tambourine Man, leur premier, de 1965 ou 1966, je ne sais plus), même ces grands albums, ne sont pas parfaits, il y a à chaque fois au moins une chanson un peu en-dessous du reste. Leur double (Untitled) de 1971 est très bien, surtout sa partie live (un Eight Miles High de 16 minutes...), mais le disque studio est dans l'ensemble un peu mitigé, du bon et du moins bon. Je ne parlerai pas de Byrdmaniax, de Ballad Of Easy Rider, ces albums ne valent rien, ou presque rien. Le reste (Fifth Dimension, Turn ! Turn ! Turn ! est bien, parfois excellentissime, mais ce sont des albums un peu hésitants, trop de 'déchets' dessus, de chansonnettes peu accrocheuses, du remplissage (ils ne sont pas les seuls albums de l'époque victimes de ce genre de tare, hélas). The Notorious Byrd Brothers, lui, est parfait du début à la fin, vraiment-vraiment-vraiment, et il n'est pas seulement le meilleur album du groupe, il est aussi mon préféré d'eux, de loin (avec Dr Byrds & Mr Hyde, ceci dit, pas loi derrière), et un de mes 10 albums de chevet, tous styles, nationalités, époques confondu(e)s (et je ne peux en revanche pas dire ça de Dr Byrds & Mr Hyde).
Crosby en période chapka, première...
La pochette de l’album est sympathique, et représente les trois Byrds restants (de gauche à droite Chris Hillman – basse -, Roger McGuinn – guitare, chant principal – et Michael Clarke – batterie, qui partira lui aussi du groupe, juste après les sessions) posant, chacun à une fenêtre, dans une maison toute en pierres de taille (l’arrière d’une maison, car on ne voit pas de porte). Quatre fenêtres, la dernière est occupée par un cheval, dont Clarke tient, par fenêtre interposée, les rênes. Une anecdote rigolote, quasiment une légende, plane autour de cette photo : le cheval serait une représentation du grand absent (car déjà parti au moment de la séance photo) David Crosby, lequel, et là ce n’est pas une légende, a été furieux en découvrant la pochette de l’album à sa sortie. Le représenter par le biais d’un canasson, non mais vraiment ! McGuinn, de son côté, dira que ce n’est pas vrai, le cheval ne représente pas Crosby, car si ça avait été le cas, on l’aurait fait poser, pour la photo, en tournant le dos à l’objectif ! En réalité, les Byrds restants venaient de faire un peu d’équitation (au dos de la pochette, la photo les montre, derrière le cheval), et la photo a été prise après l’effort. A la base, il ne devait y avoir rien dans la dernière fenêtre, histoire de symboliser, justement, l’absence de Crosby, mais le cheval s’est incrusté, et bon, la photo a été prise comme ça ! Une belle photo, une belle pochette, limite plus connue que l’album. Lequel album est un savant mélange entre folk, country, rock et ambiances psychédéliques, avec quelques effets sonores à l’appui. C’est, il faut le préciser, un des rares albums des Byrds à ne proposer aucune reprise de Bob Dylan ; eux qui se sont fait une spécialité de reprendre le Barde (Mr. Tambourine Man, My Back Pages, You Ain’t Goin’ Nowhere, Nothing Was Delivered, The Times They Are A-Changin’…), la plupart du temps avec une réussite insolente, n’ont pas touché au répertoire de Zimmy, ici. Il y à des reprises ici, bien sûr (Wasn’t Born To Follow, Goin’ Back, deux chansons signées Carole King), mais dans l’ensemble, les Byrds se sont sortis les doigts, et ont composé plus que de coutume.
...et deuxième !
Crosby, notamment, outre son Triadévincé du projet (et heureusement présent en bonus-track sur la réédition CD : quelle grande chanson ! Il la chantera avec Crosby, Stills & Nash (& Young) en live, voir 4 Way Street, 1971), offre Tribal Gathering, Dolphin’s Smileet Draft Morning, quasiment toutes composées en partenariat avec Hillman et McGuinn (Tribal Gathering, seulement avec Hillman), et toutes absolument quintessentielles. On l’entend parfois, en harmonies (Tribal Gathering, surtout, sa voix rêveuse est immédiatement reconnaissable), il est certes parti du groupe, et le groupe ne l’a certes pas vraiment retenu, mais ils ne l’ont pas viré des bandes, heureusement. Son absence est cependant dommageable pour le restant de la carrière des Byrds ; ils parviendront certes à le faire un peu oublier sur Sweetheart Of The Rodeo, en engageant Gram Parsons (chanteur/guitariste country qui apportera un souffle nouveau au groupe le temps d’un album), mais par la suite, ça ne sera plus ça… Crosby y gagnera au change, formant Crosby, Stills & Nash dès son départ des Byrds (premier album, immense, en 1969, excellent passage à Woodstock avec Neil Young, second album avec lui aussi – Déjà-Vu, 1970, grandiosissime -, etc…et je ne parle même pas de son quintessentiel premier opus solo, en 1971, If I Could Only Remember My Name).
Démarrant par un Artificial Energy court (2 minutes) et saisissant, l’album ne cesse de se découvrir au fil des écoutes. Lorsque je l’ai écouté pour la première fois, je me suis dit oui, c’est un bon album, mais sans plus. J’ai cependant adoréWasn’t Born To Follow (2 minutes aussi), que je connaissais déjà pour l’avoir entendue dans le film Easy Rider de Dennis Hopper, et que j’adorais déjà avant de le réentendre dans l’album, mais le reste ne m’a pas sauté aux oreilles comme étant immense. Par la suite, au fil des écoutes, l’album s’est imposé. Je dois dire que c’est l’album des Byrds que j’écoute le plus souvent, c’est même, en fait, le seul album des Byrds que je réécoute souvent, je ne sais plus à quand remonte ma dernière écoute de Fifth Dimension ou de Sweetheart Of The Rodeo, mais ça doit au moins faire trois ans. Et quand je les réécouterai, ça fera sans doute six ans depuis la dernière fois, traduction, ce n’est pas l’envie qui me prend, en ce moment, de les réécouter. Pas besoin. The Notorious Byrd Brothers, lui, putain, si je ne l’écoute pas une fois par semaine, c’est une mauvaise semaine qui se prépare. Le premier morceau, Artificial Energy, est étonnant, avec ses voix dézinguées (McGuinn, dans les notes du livret CD, estime que les voix ont été foirées, sur ce titre ; apparemment, l’effet ‘bousillé’ et tremblotant, qui fonctionne parfaitement, n’était pas voulu) et ses cuivres glorieux, ses paroles étranges qui semblent clairement parler de drogue (chose rigolote : le groupe a eu des ennuis avec Eight Miles High, qui semblait parler de came, sans que ça soit vraiment clairement le cas ; Artificial Energy, qui passera en radio aussi à l’époque aux USA, n’aura pas de problèmes, malgré que le sujet soit plus nettement établi), avec cette ultime ligne de texte qui marque les esprits par son nihilisme, sa négativité, sa tristesse : I’m in jail ‘cause I killed the Queen, et les cuivres qui achèvent l’album en petit fade. Goin’ Back, qui suit, est un régal doux-amer, beau à pleurer, et donc la chanson choisie par le groupe en remplacement du Triad de Crosby. Harmonies vocales sensationnelles, guitare carillonnantes (deux exemples mêmes du son des Byrds), cette chanson ne se décrit pas, ne s’explique pas, elle se vit, c’est tout simplement magnifique. Natural Harmony, avec son climat quelque peu étrange, vaguement sombre et crépusculaire (mais passant assez rapidement à un rythme plus soutenu, percussions à l’appui), est une chanson atypique dans le canon byrdien, alors que Goin’ Back est plus classique dans le ton. C’est encore une fois sublime, mais attention, voilà que débarque, sans pause (quasiment tous les morceaux s’enchaînent sans pause), la première chanson signée Crosby, Draft Morning, qui parle de l’armée, des jeunes enrôlés (le titre signifie ‘matin d’enrôlement’), du Vietnam. Cuivres glorieux (encore une fois), effets sonores militaires et guerriers, harmonies tristounettes, dernier couplet sans équivoque (Today’s the day for action...) accompagné, en final, d’une interprétation à la guitare de la sonnerie aux morts, ce morceau est certes gentil dans sa mélodie (rien, sur l’album, n’est brutal), mais il dit bien ce qu’il veut dire, merde à la guerre, c’est une des meilleures chansons contestataires du groupe. Wasn’t Born To Follow suit, belle incartade countrysante qui, vraiment, après coup, fait furieusement penser à la vision de Dennis Hopper et Peter Fonda sur leurs motos, roulant sous le soleil, sur les routes, pépères, en quête de belles sensations. Get To You achève la face A avec beauté, et à ce niveau-là, on n’a limite pas besoin d’écouter la face B (il le faut, cependant) pour savoir que l‘album est un chef d’œuvre.
La face B s’ouvrait sur Change Is Now, encore une belle incartade à la sauce country, on à l’impression que Gram Parsons est là, à la guitare, ce qui n’est pas le cas. Alternance entre couplets pépères et refrains plus enlevés, cette chanson remarquable s’enchaîne avec le court (même pas deux minutes) et encore plus countrysant Old John Robertson (He wore a Stetson hat), la chanson la plus rythmée de l’album, la plus ‘nerveuse’ sans l’être en réalité. Elle aurait tout à fait pu se trouver sur Sweetheart Of The Rodeo, l’album suivant. C’est le morceau que j’aime le moins ici, ce qui ne veut pas dire que je ne l’aime pas, mais s’il fallait choisir un morceau à retirer à l’album (ce qui serait hérétique, l’album est déjà suffisamment court comme ça !), c’est lui que je choisirais, mais avec le cœur brisé quand même ; je préfèrerais rajouter un titre ou deux, notamment Triad, ou Bound To Fall, autre morceau évincé du projet, et présent en bonus-track CD. On passe à Tribal Gathering, chanson sur un rassemblement hippie/flower power, signée Crosby, une merveille au rythme chaloupé, quasiment jazzy, et groovy aussi, une de mes préférées du bonhomme. On sent vraiment la voix de Crosby ici, on l’entend clairement, comme je l’ai dit plus haut. Dolphin’s Smile, 2 petites minutes charmantes comme tout avec ses bruits aquatiques (plus sobres que ceux que les Beatles utiliseront pour leur Octopus’s Garden l’année suivante !), signée Crosby, est une autre merveille, une des rares chansons de l’album que j’avais adorées à la première écoute avec Wasn’t Born To Follow. On en redemande, mais hélas, c’est déjà la fin, ne reste plus que Space Odyssey, quasiment 4 minutes (pour l’album, c’est aussi long que le long Echoes l’est pour Pink Floyd !) très spatiardes, psychédéliques, avec voix bidouillées à la Artificial Energy (pour ce titre, en revanche, l’effet est très certainement voulu, contrairement au morceau ouvrant l’album), et ambiance cheloue. Le morceau parle de SF, plus précisément de la nouvelle The Sentinel d’Arthur C. Clarke, qui a donné le film 2001 : L’Odyssée De L’Espace. Le film date de la même année que l’album, mais je ne suis pas certain qu’il était sorti au moment de la sortie de l’album, je pense que non en fait (The Notorious Byrd Brothers a été enregistré dans la seconde moitié de 1967, il est sorti en janvier 1968). Une grande chanson, étonnante il est vrai, je crois que les fans du groupe, et de l’album, sont partagés à son sujet, entre ceux qui estiment que c’est une sorte de raga psychédélique interminable aux paroles absconses et ceux qui adorent son ambiance étonnante, manière vraiment originale d’achever un album qui, déjà, est détonnant par rapport au style habituel des Byrds. Personnellement, j’ai mis le temps, mais j’adore Space Odyssey. J’adore tout l’album, de toute façon, et si vous ne le connaissez pas encore, je ne peux que vous conseiller ardemment de rattraper ce retard. Sil ne fallait qu’un seul disque de Byrds, c’est celui-là !
FACE A
Artificial Energy
Goin' Back
Natural Harmony
Draft Morning
Wasn't Born To Follow
Get To You
FACE B
Change Is Now
Old John Robertson
Tribal Gathering
Dolphin's Smile
Space Odyssey