Je ne sais pas pour vous, mais moi, j'adore les lives collectifs. Les albums qui résument un festival (Woodstock, Wattstax, Glastonbury...), les concerts caricatifs (The Concert For Bangla Desh, Concerts For The People Of Kampuchea), les concerts spéciaux type The Last Waltz du Band ou Knebworth... J'en ai proposé pas mal sur le blog depuis plusieurs années (et Wattstax très récemment), en voici un autre que je voulais faire depuis longtemps. Le 28 mars 1979, la centrale nucléaire de Three Mile Island, près de Harrisburg en Pennsylvanie, a subi un gros plantage qui aurait très bien pu dégénérer en catastrophe nucléaire, incident qui fut largement minimisé par les pouvoirs en place et qui causera un scandale international. Peu de temps avant cet incident, un film relatant une histoire similaire dans une centrale nucléaire américaine, Le Syndrome Chinois, sortira, sinistre coïncidence. A la suite de cet incident, plusieurs musiciens constituent, avec le journaliste Harvey Wasserman, un collectif du nom de MUSE, Musicians United for Safe Energy. Ces musiciens sont Bonnie Raitt (chanteuse/guitariste de folk-rock et de blues-rock), John Hall (membre du groupe de rock Orleans et depuis, politicien), Jackson Browne (fameux chanteur de soft-rock) et Graham Nash (qu'on ne présente plus, n'est-ce pas ?). En septembre 1979, du 19 au 23, au Madison Square Garden, MUSE organise une série de concerts qui seront enregistrés et filmés, le film et l'album (triple) sortiront en novembre de la même année et s'appellent, tous deux, No Nukes ("pas de nucléaire").
Les quatre musiciens du collectif ne sont pas, loin de là, les seuls participants ici, en témoigne la pochette qui les liste. On a ici un panel du rock et surtout de la folk-rock américaine de l'époque : les Doobie Brothers, Poco, Bruce Springsteen et son E Street Band (c'est la première fois que des extraits de concert du Boss sont mis sur album, ici), James Taylor, Tom Petty & The Heatbreakers, Carly Simon (à l'époque mariée à James Taylor, toujours en duo avec lui ici), Crosby, Stills & Nash, Ry Cooder, Nicolette Larson, Jesse Colin Young (leader des Youngbloods), mais aussi la chanteuse de funk Chaka Khan, le groupe de funk Raydio de Ray Parker Jr (le futur chanteur de Ghostbusters) et Gil Scott-Heron, chanteur et poète de soul/jazz, considéré comme un des précurseurs du rap et du slam, avant que le rap n'existe. Long d'environ 110 minutes, No Nukes, magistralement enregistré (le son est parfait, du début à la fin), se veut une réponse contestataire vis-à-vis du nucléaire, et le collectif MUSE poursuivra sa lutte en organisant par la suite d'autres concerts de ce genre. Celui-ci est le premier et donc celui qui compte le plus, forcément, mais autant le dire, ce n'est pas toujours une grande réussite, loin de là. Déjà, il y à un petit détail qui fait que cet album n'est pas forcément aussi passionnant et 'rentre-dedans' que, disons, Woodstock ou The Concert For Bangla Desh : si le Boss, Tom Petty, Cooder, Browne, Taylor et CSN (et les Doobies) sont mondialement connus, encore aujourd'hui (même si les Doobies sont un groupe du passé), quid de Poco, groupe de country-folk-rock des années 70 qui n'a jamais eu une aura de malade ? Jesse Colin Young ? Son ancien groupe a eu son heure de gloire, sans doute, mais vite fait. Gil Scott-Heron était (il est mort en 2011) un grand artiste, mais passé les USA, il n"était, je pense, pas aussi connu que dans son propre pays (je parle pour le grand public). Bonnie Raitt est une artiste de talent, mais qui reste, elle aussi, de niche. Raydio, pareil. Nicolette Larson est surtout connue pour ses participations à des albums de Neil Young, et d'ailleurs, ici, elle reprend son Lotta Love. Chaka Khan est une excellente chanteuse, mais sa présence ici est étonnante.
No Nukes entremêle le chaud et le tiède-presque-froid, certaines performances, comme celle de CSN (quasiment toute la - plutôt courte en totalité, 15 minutes - dernière face) ou celle de James Taylor et Carly Simon sur Mockingbird, sont remarquables, ainsi que le Cathedral de Graham Nash (morceau de CSN à la base, interprété en solo ici). Sans oublier Power, interprété par les Doobies, John Hall et James Taylor. D'autres performances sont soit ratées, soit terriblement frustrantes. C'est la première fois que le Boss est mis, en live, sur un album, et tout ce qu'on a de lui c'est son Detroit Medley (efficace, certes) et Stay, reprise des Zodiacs, faite avec Jackson Browne et la chanteuse Rosemary Butler. Y avait pas mieux à prendre ? Les Doobies ouvrent et ferment l'album, leur performance est correcte, sans plus. John Hall offre le piremoment de l'album avec Plutonium Is Forever, qu'il est impossible d'écouter sans grimacer comme si une mauvaise odeur venait d'être répandue autour de soi. Ry Cooder semble s'emmerder sévère pendant Little Sister, le collectif de chanteuses afro-americaines Sweet Honey In The Rock ne sert à rien sur l'album, un morceau (A Woman) de tout juste une minute, insignifiant... Alors après, le We Almost Lost Detroit de Scott-Heron (sur un autre incident nucléaire, un peu plus ancien) est sublime. Et on a de bons moments sur à peu près chaque face. Pas fan de la performance de Raitt (reprise du Runaway de Del Shannon, chanson popularisée en France, par Dave, qui la reprendra sous le nom de Vanina) quand même, et je n'ai jamais été très fan de Jackson Browne le propre sur lui qui s'en foutait pas mal dans les naseaux. Dans l'ensemble, No Nukes est un peu décevant, donc, entre la liste des invités, parfois peu vendeuse de rêves, et les performances parfois un peu bof. Mais on a de très bons moments, et la cause pour laquelle furent faits ces concerts se tient (glissé dans la pochette, un livret assez riche en témoignages sur le danger du nucléaire et en photos). Pas essentiel, mais quand même àécouter au moins une fois !
FACE A
Dependin' On You (The Doobie Brothers)
Runaway (Bonnie Raitt)
Angel From Montgomery (Bonnie Raitt)
Plutonium Is Forever (John Hall)
Power (The Doobie Brothers, John Hall & James Taylor)
FACE B
The Times They Are A-Changin' (James Taylor, Carly Simon & Graham Nash)
Cathedral (Graham Nash)
The Crow On The Cradle (Jackson Browne & Graham Nash)
Before The Deluge (Jackson Browne)
FACE C
Lotta Love (Nicolette Larson)
Little Sister (Ry Cooder)
A Woman (Sweet Honey In The Rock)
We Almost Lost Detroit (Gil Scott-Heron)
Get Together (Jesse Colin Young)
FACE D
You Can't Change That (Raydio)
Once You Get Started (Chaka Khan)
Captain Jim's Drunken Dream (James Taylor)
Honey Don't Leave L.A. (James Taylor)
Mockingbird (James Taylor & Carly Simon)
FACE E
Heart Of The Night (Poco)
Cry To Me (Tom Petty & The Heartbreakers)
Stay (Bruce Springsteen & The E Street Band, Jackson Browne)
Detroit Medley (Bruce Springsteen & The E Street Band)
FACE F
You Don't Have To Cry (Crosby, Stills & Nash)
Long Time Gone (Crosby, Stills & Nash)
Teach Your Children (Crosby, Stills & Nash)
Takin' It To The Streets (The Doobie Brothers & James Taylor)